Ceux qui se disent défenseurs de l'islam au mali baignent dans le trafic de drogue et les ramifications de ce circuit attachent de hauts responsables maliens. Le pouvoir et la richesse de ces réseaux narcotrafiquants ont accru à une telle étendue, qu'ils ont maintenant la force de déstabiliser des pays ou des régions entières. Le haschich et la cocaïne ont irrigué bien au-delà de ces mouvements, suscitant des complicités et des passerelles inattendues. Or, dès 2007, Bamako était devenue une plaque tournante de la cocaïne, arrivant de Colombie, notamment via la Guinée-Conakry, avant de repartir vers l‘Europe. C'est la découverte, en novembre 2009, d'un Boeing 727-200 ayant transporté plusieurs tonnes de poudre blanche qui l'a révélé au grand jour. Cette affaire a aussi démontré les complicités qui existaient à Bamako dans certains cercles du pouvoir, de l'armée et de la douane. En janvier 2012, Mohamed OuldAwaïnatt, un riche homme d'affaires de Tombouctou soupçonné d'être impliqué dans le trafic et incarcéré dans l'affaire « Air Cocaïne », avait été libéré. L'ordre venait du pouvoir de l'ex-président Amadou ToumaniTouré. L'homme aurait depuis rejoint le MUJAO. Entre-temps, Miguel Angel Devesa, un ancien policier espagnol ayant joué un rôle central dans l'affaire de l'avion, à lui aussi été libéré, ainsi que la plupart des autres personnes incarcérées dans cette affaire.Selon un document confidentiel, un ancien ministre de l'ex-président ATT lié au MUJAO et au blanchiment d'argent du crime organisé a vécu un temps réfugié à Dakar. Les « barons » liés à cette mouvance auraient corrompu une bonne partie de la machine sécuritaire. AQMI et la drogue Les soupçons quant au rôle joué par des combattants d'AQMI dans l'escorte de convois de cocaïne ont également été évoqués à plusieurs reprises avant la crise actuelle. Un document confidentiel évoque, des liens entre la Katiba d'Abou Zeid, à l'époque principal chef d'Aqmi au nord, et un groupe de narcotrafiquants d'origine berabich de la zone de Tombouctou. Un groupe communément appelé localement « les Colombiens ». Chacun de ses « barons » aurait, indique le document, constitué une équipe d'hommes armés pour assurer l'acheminement sécurisé de cargaisons de drogue.Autre exemple cité: la katiba de Amhada Ag Mama, alias Abdou Karim Targui, qui a rejoint un temps Iyad Ag Ghali du mouvement Ansar Eddine, avec des touaregs et des arabes maliens. Ils auraient été en partie financés par des trafiquants de drogue. La plupart des barons de la drogue de Kidal, à l'extrême nord du Mali, résideraient en Algérie où ils ont bénéficié de l'Amnistie accordée aux repentis des groupes djihadistes, indique le document confidentiel.Ces groupes étaient renforcés par des « bandits d'origine kounta qui assurent l'escorte des convois de drogue ou d'armes » et imposaient des droits de péage partagés avec Aqmi et Ansar Eddine. En d'autres termes, comme on peut le lire dans le document confidentiel, « ces factions fonctionnent essentiellement grâce à l'argent des rançons et au trafic de drogue ». Du haschich à la cocaïne Ce développement du trafic de haschich marocain et de cocaïne colombienne a été facilité par celui, préalable, du trafic de cigarettes et de migrants dans la région. « Cela a érodé le système douanier en raison de la corruption et de la collusion entre les contrebandiers et des officiels », écrit Wolfram Lacher, auteur d'une passionnante étude publiée en septembre 2012 par la fondation Carnegie « Deux flux se sont développés rapidement. Depuis 2005, celui de la cocaïne sud-américaine vers l'Europe, notamment à travers la Lybie et l'Egypte; celui de la résine de cannabis marocaine vers la Libye, l'Egypte et la péninsule arabique, détaille-t-il. Cette croissance s'explique par la hausse de la demande en Europe et au Machrek, de même que par le renforcement des contrôles le long de la frontière algéro-marocaine, le long des côtes de l'Espagne et des îles Canaries, ainsi que dans les aéroports européens, qui ont fait des routes traversant la région peu contrôlée du Sahel une zone attractive pour les trafiquants ». Selon lui, le commerce du cannabis est dominé dans la région par des Marocains, des Sahraouis et des Mauritaniens, , jusqu‘à ce qu'il arrive au nord du Mali. A travers le Mali et le Niger, poursuit-il, le haschich est transporté essentiellement par des réseaux arabes maliens ayant des liens tribaux ou familiaux en Mauritanie et au Niger. Le haschich et la cocaïne sont, selon cet expert, ensuite réexportés du Mali par la Libye vers l'Europe à travers les Balkans ou transportés vers l'Egypte et Israël. Une autre route passe par le Tchad et le Soudan vers la péninsule arabique.Aux dernières nouvelles, confie un ancien diplomate et expert de la sécurité au Sahel sous couvert d'anonymat, le trafic et les affaires liant des officiels aux organisations criminelles continuent dans la région. Et cet expert de rappeler que les « narcoterroristes » ne sont qu'un des maillons d'une immense toile. Avec l'intervention militaire française et ouest-africaine, ces filières sont forcément perturbées, probablement détournées. Mais, jusqu'ici, aucune personnalité clé liée au trafic n'a été arrêtée.