La clôture du Festival national du théâtre professionnel qui s'est tenu du 25 mai au 2 juin à Alger a laissé un goût amer chez les professionnels du quatrième art, avec la décision du jury de ne pas attribuer les prix du meilleur spectacle, de la meilleure mise en scène et du meilleur texte dramatique, en raison de la qualité médiocre des productions présentées par les six troupes des théâtres d'Etat en compétition. Pour les trois troupes indépendantes les plus performantes à Sétif, le verdict est plus que logique, et « conforte » l'évaluation qu'elles avaient fait de la manifestation suprême du théâtre algérien relancée au TNA après plus d'une décennie d'absence. Aussi, la décision du jury intervient à juste titre pour sanctionner la tâche confiée à la commission de préparation du festival, présidée par M'hamed Benguettaf accusé dès le départ d'avoir « marginalisé » et « exclu » les troupes indépendantes. Fares Boussaada, de la Compagnie culturelle théâtrale de Rétif, juge que le commissariat du festival n'a pas fait preuve de professionnalisme dans le choix des critères de sélection qui ont réservé la compétition aux seules troupes des théâtres étatiques. « Sinon, comment expliquer notre éviction alors que nous sommes passés au TNA en mars dernier », revient-il à la charge, avant d'ajouter que « la pièce la Charogne, un produit récent de la Compagnie, a été primée tout dernièrement au festival du Caire comme meilleur spectacle, et jugée par les spécialistes du festival comme un produit professionnel ». Salim Bensdira, de retour avec sa troupe, « les Compagnons de Nedjma du Maroc » qui a participé à un festival ayant regroupé les théâtres nationaux d'Irak, de Libye et du Maroc, garde encore en tête les moments d'émotion ayant entouré le succès de leur pièce l'Errant. Le spectacle, dit-il, a suscité les marques de félicitations et de respect qui reviennent au théâtre algérien habituellement reconnu au Maroc. Mais pas toujours en Algérie. Pour preuve, cette négation du théâtre indépendant par le théâtre « institutionnel », non professionnel. Car la question n'est en aucun cas une question d'amateurisme ou de professionnalisme, mais de statut qui n'est à ce jour pas défini. En effet, depuis la recomposition du champ théâtral en Algérie avec l'avènement des troupes indépendantes dans les sphères artistiques, un réel problème de définition du statut de ces dernières et de redéfinition de la notion de professionnalisme se pose avec acuité pour la gestion du quatrième art. Ainsi, une concurrence féroce oppose théâtres indépendants et théâtres d'Etat qui, quand ils se retrouvent sur les planches, font montre d'une rivalité indéniable pour s'imposer comme dignes représentants du 4ème art algérien. La compétition tourne cependant en faveur des théâtres indépendants, affirment les troupes de Sétif qui veulent pour preuve la dernière confrontation entre les deux théâtres lors des « Journées du théâtre professionnel de Sétif » de juillet 2005 qui ont consacré la majorité des prix à l'actif des troupes indépendantes. « La production des théâtres d'Etat est à l'arrêt », s'accordent à dire les présidents des troupes indépendantes de Sétif. Cependant, ils comptent sur la nouvelle politique attendue au lendemain de l'échec du festival national -car, pour eux c'est bel et bien un échec- et les mesures promises par la ministre de la Culture pour la réussite de la prochaine édition. Pour Fares Boussada, ce serait, dès lors, l'opportunité de présenter au TNA des produits professionnels qui balayeraient tous les doutes émis sur le professionnalisme des troupes indépendantes. Un autre responsable de troupe indépendante à Sétif défend l'organisation d'un colloque national qui, en réunissant un maximum de troupes nationales, lèverait définitivement le voile sur l'exercice théâtral en Algérie et définirait par la même occasion les responsabilités de « l'échec constaté depuis plusieurs années » de la gestion du théâtre en général et du TNA en particulier. A. B.