CCIX?me Nuit (suite) A ce discours, le roi de Samandal fit de grands ?clats de rire, en se laissant aller ? la renverse sur le coussin o? il avait le dos appuy?, et d?une mani?re injurieuse au roi Saleh: ?Roi Saleh, lui dit-il d?un air de m?pris, je m??tais imagin? que vous ?tiez un prince de bon sens, sage et avis?; et votre discours, au contraire, me fait conna?tre combien je me suis tromp?. Dites-moi, je vous prie, o? ?tait votre esprit quand vous vous ?tes form? une chim?re aussi grande que celle dont vous venez de me parler? Avez-vous bien pu concevoir seulement la pens?e d?aspirer au mariage d?une princesse fille du roi aussi grand et aussi puissant que je le suis? Vous deviez mieux consid?rer auparavant la grande distance qu?il y a de vous ? moi et ne pas venir perdre en un moment l?estime que je faisais de votre personne?. Le roi Saleh fut extr?mement offens? d?une r?ponse si outrageante, et il eut bien de la peine ? retenir son juste ressentiment. ?Que Dieu, sire, reprit-il avec toute la mod?ration possible, r?compense Votre Majest? comme elle le m?rite; elle voudra bien que j?aie l?honneur de lui dire que je ne demande pas la princesse sa fille en mariage pour moi. Quand cela serait, bien loin que Votre Majest? d?t s?en offenser, ou la princesse elle-m?me, je croirais faire beaucoup d?honneur ? l?un et ? l?autre. Votre Majest? sait bien que je suis un des rois de la mer, comme elle; que les rois mes pr?d?cesseurs ne c?dent en rien par leur anciennet? ? aucune des autres familles royales et que le royaume que je tiens d?eux n?est pas moins florissant ni moins puissant que de leur temps. Si elle ne m?e?t pas interrompu, elle e?t bient?t compris que la gr?ce que je lui demande regarde non pas moi, mais le jeune roi de Perse, mon neveu, dont la puissance et la grandeur, non plus que les qualit?s personnelles, ne doivent pas lui ?tre inconnues. Tout le monde reconna?t que la princesse Giauhare est la plus belle personne qu?il y ait sous les cieux; mais il n?est pas moins vrai que le jeune roi de Perse est le prince le mieux fait et le plus accompli qu?il y ait sur la terre et dans tous les royaumes de la mer; les avis ne sont point partag?s l?-dessus. Ainsi, comme la gr?ce que je demande ne peut tourner qu?? une grande gloire pour elle et pour la princesse Giauhare, elle ne doit pas douter que le consentement qu?elle donnera ? une alliance si proportionn?e ne soit suivie d?une approbation universelle. La princesse est digne du roi de Perse, et le roi de Perse n?est pas moins digne d?elle. Il n?y a ni roi ni prince au monde qui puisse le lui disputer?. Le roi de Samandal n?e?t pas donn? le loisir au roi Saleh de lui parler si longtemps, si l?emportement o? il le mit lui en e?t laiss? la libert?. Il fut encore du temps sans prendre la parole, apr?s qu?il eut cess?, tant il ?tait hors de lui-m?me. Il ?clata enfin par des injures atroces et indignes d?un grand roi. ?Chien, s??cria-t-il, tu oses me tenir ce discours et prof?rer seulement le nom de ma fille devant moi! Penses-tu que le fils de ta s?ur Gulnare puisse entrer en comparaison avec ma fille? Qui es-tu, toi? Qui ?tait ton p?re? Qui est ta s?ur, et qui est ton neveu? Son p?re n??tait-il pas un chien et fils de chien comme toi? Qu?on arr?te l?insolent et qu?on lui coupe le cou?.