CCXII?me Nuit (Suite) La rougeur lui en monta au visage; et, comme elle vit qu?elle avait manqu? son coup: ?Cher Beder, lui dit-elle, ce n?est rien, remettez-vous; je n?ai pas voulu vous faire de mal; je l?ai fait seulement pour voir ce que vous en diriez. Vous pouvez juger que je serais la plus mis?rable et la plus ex?crable de toutes les femmes, si je commettais une action si noire, je ne dis pas seulement apr?s les serments que j?ai faits, mais m?me apr?s les marques d?amour que je vous ai donn?es. -Puissante reine, repartit le roi Beder, quelque persuad? que je sois que Votre Majest? ne l?ait fait que pour se divertir, je n?ai pu n?anmoins me garantir de la surprise. Quel moyen aussi de s?emp?cher de n?avoir pas au moins quelque ?motion, ? des paroles capables de faire un changement si ?trange? Mais, madame, laissons l? ce discours; et, puisque j?ai mang? de votre g?teau, faites-moi la gr?ce de go?ter du mien.? La reine Labe, qui ne pouvait mieux se justifier qu?en donnant cette marque de confiance au roi de Perse, rompit un morceau de g?teau et le mangea. D?s qu?elle l?eut aval?, elle parut toute troubl?e et elle demeura comme immobile. Le roi Beder ne perdit pas de temps; il prit de l?eau du m?me bassin, et, en la lui jetant au visage: ?Abominable magicienne, s??cria-t-il, sors de cette figure et change-toi en cavale!? Au m?me moment, la reine Labe fut chang?e en une tr?s belle cavale; et sa confusion fut si grande de se voir ainsi m?tamorphos?e, qu?elle r?pandit des larmes en abondance. Elle baissa la t?te jusqu?aux pieds du roi Beder, comme pour le toucher de compassion. Mais, quand il e?t voulu se laisser fl?chir, il n??tait pas en son pouvoir de r?parer le mal qu?il lui avait fait. Il mena la cavale ? l??curie du palais, o? il la mit entre les mains d?un palefrenier pour la brider; mais de toutes les brides que le palefrenier pr?senta ? la cavale, pas une ne se trouva propre. Il fit seller et brider deux chevaux un pour lui et l?autre pour le palefrenier, et il se fit suivre par le palefrenier jusque chez le vieillard Abdallah, avec la cavale ? la main. Abdallah, qui aper?ut de loin le roi Beder et la cavale, ne douta pas que le roi Beder n?e?t fait ce qu?il lui avait recommand?. ?Maudite magicienne, dit-il aussit?t en lui-m?me avec joie, le ciel enfin t?a ch?ti?e comme tu le m?ritais.? Le roi Beder mit pied ? terre en arrivant et entra dans la boutique d?Abdallah, qu?il embrassa, en le remerciant de tous les services qu?il lui avait rendus. Il lui raconta de quelle mani?re le tout s??tait pass? et lui marqua qu?il n?avait pas trouv? de bride propre pour la cavale. Abdallah, qui en avait une ? tout cheval, en brida la cavale lui-m?me; et, d?s que le roi Beder eut renvoy? le palefrenier avec les deux chevaux: ?Sire, lui dit-il, vous n?avez pas besoin de vous arr?ter davantage en cette ville; montez la cavale et retournez en votre royaume. La seule chose que j?ai ? vous recommander, c?est au cas que vous veniez ? vous d?faire de la cavale, de vous bien garder de la livrer avec la bride.?