CCXIII?me Nuit Le roi Beder lui promit qu?il s?en souviendrait; et, apr?s qu?il eut dit adieu, il partit. Le jeune roi de Perse ne fut pas plus t?t hors de la ville qu?il ne se sentit pas de joie d??tre d?livr? d?un si grand danger et d?avoir ? sa disposition la magicienne, qu?il avait eu un si grand sujet de redouter. Trois jours apr?s son d?part, il arriva ? une grande ville. Comme il ?tait dans le faubourg, il fut rencontr? par un vieillard de quelque consid?ration, qui allait ? pied ? une maison de plaisance qu?il avait. ?Seigneur, lui dit le vieillard en s?arr?tant, oserais-je vous demander de quel c?t? vous venez?? Il s?arr?ta aussit?t pour le satisfaire; et, comme le vieillard lui faisait plusieurs questions, une vieille survint, qui s?arr?ta pareillement et se mit ? pleurer en regardant la cavale avec de grands soupirs. Le roi Beder et le vieillard interrompirent leur entretien pour regarder la vieille, et le roi Beder lui demanda quel sujet elle avait de pleurer. ?Seigneur, reprit-elle, c?est que votre cavale ressemble si parfaitement ? une que mon fils avait, et que je regrette encore pour l?amour de lui, que je croirais que c?est la m?me, si elle n??tait morte. Vendez-la-moi, je vous en supplie; je vous la payerai ce qu?elle vaut, et, avec cela, je vous en aurai une tr?s grande obligation. -Bonne m?re, repartit le roi Beder, je suis f?ch? de ne pouvoir vous accorder ce que vous demandez; ma cavale n?est pas ? vendre. -Ah! Seigneur, insista la vieille, ne me refusez pas, je vous en conjure au nom de Dieu! Nous mourrions de d?plaisir, mon fils et moi, si vous ne nous accordiez pas cette gr?ce. -Bonne m?re, r?pliqua le roi Beder, je vous l?accorderais tr?s volontiers, si je m??tais d?termin? ? me d?faire d?une si bonne cavale; mais, quand cela serait, je ne crois pas que vous en voulussiez donner mille pi?ces d?or; car, en ce cas-l?, je ne l?estimerais pas moins. -Pourquoi ne les donnerais-je pas? repartit la vieille. Vous n?avez qu?? donner votre consentement ? la vente, je vais vous les compter?. Le roi Beder, qui voyait que la vieille ?tait habill?e assez pauvrement, ne put s?imaginer qu?elle f?t en ?tat de trouver une si grosse somme. Pour ?prouver si elle tiendrait le march?: ?Donnez-moi l?argent, lui dit-il, la cavale est ? vous.? Aussit?t la vieille d?tacha une bourse qu?elle avait autour de sa ceinture, et, en la lui pr?sentant: ?Prenez la peine de descendre, lui dit-elle, que nous comptions si la somme y est; au cas qu?elle n?y soit pas, j?aurai bient?t trouv? le reste; ma maison n?est pas loin.? L??tonnement du roi Beder fut extr?me, quand il vit la bourse: ?Bonne m?re, reprit-il, ne voyez-vous pas que ce que je vous en ai dit n?est que pour rire? Je vous r?p?te que ma cavale n?est pas ? vendre.? Le vieillard, qui avait ?t? t?moin de tout cet entretien, prit la parole: ?Mon fils, dit-il au roi Beder, il faut que vous sachiez une chose que je vois bien que vous ignorez; c?est qu?il n?est pas permis, en cette ville, de mentir en aucune mani?re, sous peine de mort. Ainsi, vous ne pouvez vous dispenser de prendre l?argent de cette bonne femme et de lui livrer votre cavale, puisqu?elle vous en donne la somme que vous avez demand?e. Vous ferez mieux de faire la chose sans bruit que de vous exposer au malheur qui pourrait vous en arriver.?