CCXII?me Nuit Dans le temps que le roi Beder faisait ces r?flexions, les yeux attach?s sur la reine Labe, le vieillard Abdallah se tourna de son c?t?; et, en le prenant par la main, il le lui pr?senta: ?Le voil?, madame, lui dit-il; je supplie Votre Majest? encore une fois de se souvenir qu?il est mon neveu et de permettre qu?il vienne me voir quelquefois.? La reine le lui promit; et, pour lui marquer sa reconnaissance, elle lui fit donner un sac de mille pi?ces d?or, qu?elle avait fait apporter. Il s?excusa d?abord de le recevoir; mais elle voulut absolument qu?il l?accept?t, et il ne put s?en dispenser. Elle avait fait amener un cheval aussi richement harnach? que le sien, pour le roi de Perse. On le lui pr?senta; et pendant qu?il mettait le pied ? l??trier: ?J?oubliais, dit la reine ? Abdallah, de vous demander comment s?appelle votre neveu.? Comme il lui r?pondit qu?il se nommait Beder, ?On s?est m?pris, reprit-elle, on devait plut?t le nommer Schems.? D?s que le roi Beder fut mont? ? cheval, il voulut prendre son rang derri?re la reine, mais elle le fit avancer ? sa gauche et voulut qu?il march?t ? c?t? d?elle. Elle regarda Abdallah, et, apr?s avoir fait une inclination, elle reprit sa marche. Au lieu de remarquer sur le visage du peuple une certaine satisfaction accompagn?e de respect ? la vue de sa souveraine, le roi Beder s?aper?ut, au contraire, qu?on la regardait avec m?pris, et m?me que plusieurs faisaient mille impr?cations contre elle. ?La magicienne, disaient quelques-uns, a trouv? un nouveau sujet d?exercer sa m?chancet?. Le ciel ne d?livrera-t-il jamais le monde de sa tyrannie. -Pauvre ?tranger, s??criaient d?autres, tu es bien tromp?, si tu crois que ton bonheur durera longtemps c?est pour rendre ta chute plus assommante qu?on t??l?ve si haut!? Ces discours lui firent conna?tre que le vieillard Abdallah lui avait d?peint la reine Labe telle qu?elle ?tait en effet; mais, comme il ne d?pendait plus de lui de se retirer du danger o? il ?tait, il s?abandonna ? la Providence et ? ce qu?il plairait au ciel de d?cider de son sort. La reine magicienne arriva ? son palais; et quand elle eut mis pied ? terre, elle se fit donner la main par le roi Beder et entra avec lui, accompagn?e de ses femmes et des officiers de ses eunuques. Elle lui fit voir elle-m?me tous les appartements, o? il n?y avait qu?or massif, pierreries, et que meubles d?une magnificence singuli?re. Quand elle l?eut men? dans son cabinet, elle s?avan?a avec lui sur un balcon, d?o? elle lui fit remarquer un jardin d?une beaut? enchant?e. Le roi Beder louait tout ce qu?il voyait avec beaucoup d?esprit, de mani?re n?anmoins qu?elle ne pouvait se douter qu?il f?t autre chose que le neveu du vieillard Abdallah. Ils s?entretinrent de plusieurs choses indiff?rentes, jusqu?? ce qu?on v?nt avertir la reine que l?on avait servi.