CCXIV?me Nuit (Suite) On enleva le corps, que la parent?, accompagn?e des marchands et de Ganem, suivit jusqu?au lieu de sa s?pulture, qui ?tait hors de la ville et fort ?loign?. C??tait un ?difice de pierre en forme de d?me, destin? ? recevoir les corps de toute la famille du d?funt; et, comme il ?tait fort petit, on avait dress? des tentes alentour, afin que tout le monde f?t ? couvert pendant la c?r?monie. On ouvrit le tombeau et on posa le corps, puis on le referma. Ensuite l?imam et les autres ministres de la mosqu?e s?assirent en rond sur des tapis, sous la principale tente, et r?cit?rent le reste des pri?res. Ils firent aussi la lecture des chapitres de l?Alcoran prescrits pour l?enterrement des morts. Les parents et les marchands, ? l?exemple de ces ministres, s?assirent en rond derri?re eux. Il ?tait presque nuit lorsque tout fut achev?. Ganem, qui ne s??tait pas attendu ? une si longue c?r?monie, commen?ait ? s?inqui?ter, et son inqui?tude augmenta quand il vit qu?on servait un repas en m?moire du d?funt, selon l?usage de Bagdad. On lui dit m?me que les tentes n?avaient pas ?t? tendues seulement contre les ardeurs du soleil, mais aussi contre le serein, parce que l?on ne s?en retournerait ? la ville que le lendemain. Ce discours alarma Ganem. ?Je suis ?tranger, dit-il en lui-m?me, et je passe pour un riche marchand; des voleurs peuvent profiter de mon absence et aller piller ma maison. Mes esclaves m?mes peuvent ?tre tent?s d?une si belle occasion; ils n?ont qu?? prendre la fuite avec tout l?or que j?ai re?u de mes marchandises; o? les irai-je chercher?? Vivement occup? de ces pens?es, il mangea quelques morceaux ? la h?te et se d?roba finement ? la compagnie. Il pr?cipita ses pas pour faire plus de diligence; mais, comme il arrive assez souvent que plus on est press? moins on avance, il prit un chemin pour un autre et s??gara dans l?obscurit?, de mani?re qu?il ?tait pr?s de minuit quand il arriva ? la porte de la ville. Pour surcro?t de malheur, il la trouva ferm?e. Ce contretemps lui causa une peine nouvelle, et il fut oblig? de prendre le parti de chercher un endroit pour passer le reste de la nuit et attendre qu?on ouvr?t la porte. Il entra dans un cimeti?re si vaste qu?il s??tendait depuis la ville jusqu?au lieu d?o? il venait; il s?avan?a jusqu?? des murailles assez hautes, qui entouraient un petit champ qui faisait le cimeti?re particulier d?une famille, et o? ?tait un palmier. Il y avait encore une infinit? d?autres cimeti?res particuliers, dont on n??tait pas exact ? fermer les portes. Ainsi Ganem, trouvant ouvert celui o? il y avait un palmier, y entra et ferma la porte apr?s lui; il se coucha sur l?herbe et fit tout ce qu?il put pour s?endormir: mais l?inqui?tude o? il ?tait de se voir hors de chez lui l?en emp?cha. Il se leva; et apr?s avoir, en se promenant, pass? et repass? plusieurs fois devant la porte, il l?ouvrit sans savoir pourquoi; aussit?t il aper?ut de loin une lumi?re qui semblait venir ? lui. A cette vue, la frayeur le saisit; il poussa la porte, qui ne se fermait qu?avec un loquet, et monta promptement au haut du palmier, qui, dans la crainte dont il ?tait agit?, lui parut le plus s?r asile qu?il p?t rencontrer.