CCXIX?me Nuit (Suite) La favorite du calife, ?tant dans la chambre o? ?tait le malade, s?approcha du lit o? les esclaves du syndic l?avaient d?j? couch?. Elle vit un jeune homme qui avait les yeux ferm?s, le visage p?le, d?figur? et tout couvert de larmes. Elle l?observe avec attention, son c?ur palpite, elle croit reconna?tre Ganem; mais bient?t elle se d?fie du rapport de ses yeux. Si elle trouve quelque chose de Ganem dans l?objet qu?elle consid?re, il lui para?t d?ailleurs si diff?rent, qu?elle n?ose s?imaginer que c?est lui qui s?offre ? sa vue. Ne pouvant toutefois r?sister ? l?envie de s?en ?claircir: ?Ganem, lui dit-elle, d?une voix tremblante, est-ce vous que je vois?? A ces mots, elle s?arr?ta, pour donner au jeune homme le temps de r?pondre; mais, s?apercevant qu?il y paraissait insensible: ?Ah! Ganem, reprit-elle, ce n?est point ? toi que je parle. Mon imagination, trop pleine de ton image, a pr?t? ? cet ?tranger une trompeuse ressemblance. Le fils d?Abou A?bou, quelque malade qu?il p?t ?tre, entendrait la voix de Tourmente.? Au nom de Tourmente, Ganem (car c??tait effectivement lui) ouvrit les paupi?res et tourna la t?te vers la personne qui lui adressait la parole; et, reconnaissant la favorite du calife: ?Ah! Madame, est-ce vous? Par quel miracle...? Il ne put achever. Il fut tout ? coup saisi d?un transport de joie si vif, qu?il s??vanouit. Tourmente et le syndic s?empress?rent de le secourir; mais d?s qu?ils remarqu?rent qu?il commen?ait ? revenir de son ?vanouissement, le syndic pria la dame de se retirer, de peur que sa vue n?irrit?t le mal de Ganem. Ce jeune homme, ayant repris ses esprits, regarda de tous c?t?s; et, ne voyant pas ce qu?il cherchait: ?Belle Tourmente, s??cria-t-il, qu??tes-vous devenue? Vous ?tes-vous en effet pr?sent?e ? mes yeux, o? n?est-ce qu?une illusion? Non, seigneur, lui dit le syndic, ce n?est point une illusion, c?est moi qui ai fait sortir cette dame; mais vous la reverrez sit?t que vous serez en ?tat de soutenir sa vue. Vous avez besoin de repos pr?sentement, et rien ne doit vous emp?cher d?en prendre. Vos affaires ont chang? de face, puisque vous ?tes, ce me semble, ce Ganem ? qui le commandeur des croyants a fait publier dans Bagdad qu?il pardonnait le pass?. Qu?il vous suffise, ? l?heure qu?il est, de savoir cela. La dame qui vient de vous parler vous en instruira plus amplement. Ne songez donc qu?? r?tablir votre sant?; pour moi, je vais y contribuer autant qu?il me sera possible.? En achevant ces mots, il laissa reposer Ganem et alla lui faire pr?parer tous les rem?des qu?il jugea n?cessaires pour r?parer ses forces ?puis?es par la di?te et par la fatigue.