Ils bravent la chaleur, le danger des agressions et les risques des accidents de circulation contre quelques dinars par jour. Il s'agit de ces mineurs, dont l'âge ne dépasse pas les 12 ans, qui travaillent comme receveurs de bus sur les lignes urbaines et semi-urbaines, notamment celles reliant la ville d'Oran aux localités et quartiers périphériques de Hassi Bounif, El-Barki, Chteïbo et l'USTO. Une bonne partie de ces enfants, que nous avons rencontrés, sont scolarisés et affirment qu'ils s'orientent vers ce type de petits boulots provisoires pendant les congés annuels d'été afin d'aider leurs parents à assurer les dépenses des rentrées scolaires. «Je suis âgé de dix ans, et je n'exerce ce boulot que pendant les congés de fin d'année scolaire. A vrai dire, je le fais pour débarrasser mon père de mes charges scolaires… Mon père est un modeste ouvrier qui n'a pas les moyens financiers pour répondre aux besoins de 15 enfants. Ma journée commence de 6 heures du matin et s'achève à 20 heures du soir. Je n'ai même pas quelques minutes de repos pour prendre mon repas de midi», dira Azzedine El Arbi qui habite le quartier Emir Khaled à Hassi Bounif. Les transporteurs privés des lignes semi-urbaines embauchent les enfants scolarisés qui veulent aider leurs parents en travaillant durant leurs congés de fin d'année, et privilégient le recrutement des enfants rejetés par l'école à la suite d'un échec scolaire dû, souvent, à une situation familiale incommode, et encore ceux à qui un manque de qualification ne permettra pas de rejoindre un centre de formation professionnelle. Ainsi, la plupart d'entre eux sont convertis en receveurs aguerris après les premiers mois de service. Parmi eux, Yassine Mohammedi, un habitant du quartier El Barki. «Je travaille depuis quelques années comme receveur dans un véhicule de type Karsan qui dessert la ligne reliant El Barki à Chteïbo. C'est ma mère, qui connaît le transporteur, qui m'a débrouillé ce boulot afin que je puisse l'aider à assurer les charges familiales après le décès de mon père. De ce fait je me suis vu contraint à abandonner l'école à l'âge de 11 ans. Il faut savoir que je suis le seul garçon parmi les cinq enfants et je n'ai pas d'autre choix que d'assumer ma responsabilité en tant que telle… Je touche 200 dinars par journée. Je sais que c'est un salaire dérisoire mais, pour ma mère, cela constitue un bon apport financier pour faire face aux charges familiales… Et cela au détriment de tous les risques auxquels je suis confronté». Pour ce qui est de la position des instances de la tutelle des Transports vis-à-vis de ce problème, des sources de la direction de wilaya diront: «Ce genre de dépassements est relevé chez les transporteurs illicites qui opèrent au niveau des lignes extra-urbaines ou semi-urbaines. Une fois interpellés en flagrant délit, ces transporteurs illégaux sont dessaisis de leurs véhicules pendant une période donnée en guise de sanctions». Quant aux services de la direction de l'Action sociale (DAS), ils expliquent que «le recrutement des enfants mineurs se fait discrètement et clandestinement, raison pour laquelle nous n'avons pas de statistiques précises sur le volume de ce marché». A noter que les dernières statistiques sur le travail des mineurs en Algérie notent que quelque 500.000 enfants sont exploités dans différentes activités, dont 200.000 sont scolarisés. Ces chiffres ont été avancés par la Fondation nationale pour la promotion de la santé et le développement de la recherche (FOREM).