Abdallah Djaballah ne croit plus en la capacité du Pouvoir de concrétiser sa «promesse» d'amnistier les terroristes. A rebrousse poil de l'optimisme ambiant dans les milieux islamistes, l'ex-chef du MRN est convaincu que Bouteflika ne décrétera «jamais» l'amnistie générale au profit des «frères» encore au maquis. Dans un entretien au quotidien arabe ‘Al Qods El Arabi', paraissant à Londres, Abdallah Djaballah semble avoir fait le deuil de l'une de ses plus grandes revendications politiques : l'amnistie générale. C'est une réaction teintée de dépit qu'a eu le chef islamiste devant l'indécision du gouvernement Bouteflika face au traitement du dossier des terroristes au maquis. «Le Pouvoir n'ira pas vers l'amnistie générale combien même il n'arrête pas d'en parler» tranche Djaballah sur les colonnes d'Al Qods El-Arabi. Il a reconnu dans cet ordre d'idées que «ceux qui détiennent le pouvoir» ont su comment instrumentaliser la réconciliation pour s'y maintenir». Sans le citer nommément, l'ex-chef du parti Ennahda puis du MRN croit déceler des contradictions entre les déclarations de certains ministres et celles du premier ministre à propos de l'amnistie générale. Cette ambivalence dans le discours est pour Djaballah «une preuve qu'il y a un camp fort résolument opposé à cette option». Plus tranchant encore, l'ex-chef islamiste, aujourd'hui sans parti politique, souligne, sentencieux, que «compte tenu du contexte, l'amnistie générale ne sera pas décrétée ni maintenant ni demain!» Pour lui, l'amnistie générale n'est qu'un «sujet de promesse électorale» qui n'engage en rien les candidats une fois élus. Abdallah Djaballah n'apprécie évidemment pas cette façon de faire du président Bouteflika qui l'a frustré d'une décision qui lui aurait permis de puiser dans le réservoir des repentis voire des «amnistiés». L'ex-chef du MRN pense que Bouteflika en sa qualité de président de la République aurait dû, d'après lui, «honorer les engagements qu'il a pris avec le peuple». En clair, Bouteflika aurait dû, d'après Djaballah, décréter aussitôt après son élection l'amnistie générale… Cela étant dit, cette déclaration manifestement déçue de l'un des plus grands représentants de la mouvance islamiste en Algérie dénote des «attentes» de ce courant qui ne désespère pas de pouvoir reprendre du poil de la bête après le retour des «frères d'armes» des maquis. C'est ce qui expliquerait la réticence de Bouteflika, voire des décideurs, à franchir un pas qui risque de s'avérer fatal pour le pays. Le ministre de l'Intérieur et des Collectivités locales, connu pour être un opposant farouche du courant islamiste, a nié dernièrement qu'il existe une volonté de décréter l'amnistie générale. Dans une déclaration à la presse, en marge de l'ouverture de la session d'autonome de l'APN, Zerhouni a estimé que la question de l'amnistie générale «n'est pas la priorité du gouvernement». Pour un homme aussi proche du président de la République, il est clair que ces propos s'apparentent à une mise au point à certains cercles qui s'agitent depuis que le président lui-même avait évoqué, dans son discours de campagne électorale à partir de Tamanrasset, la question de l'amnistie générale. Mais Abdelaziz Bouteflika a lié l'amnistie générale «au repentir de tous les terroristes des maquis». «Nous sommes prêts à aller à l'amnistie générale mais il faut qu'ils descendent tous!» avait-il martelé. Mais force est de constater que, mise à part les repentances sporadiques de quelques éléments, le terrorisme a plutôt redoublé de férocité depuis avril. La déclaration de Zerhouni constitue précisément un indice qui démontre que le président n'a guère l'intention de forcer la main au peuple. C'est pourquoi Djaballah a tout à fait raison de dire qu'il n'y aura pas d'amnistie générale». Pour le moment…