La restauration de meubles anciens est une branche de l'ébénisterie qui participe à la conservation du patrimoine. C'est un véritable métier d'art et une spécialité difficile d'accès. Seuls les ébénistes les plus doués et les plus motivés osent encore s'y aventurer. Mohamed Senhadji en fait partie. Après des études supérieures d'ingénieur en télécommunications, il a choisi de devenir ébéniste et restaurateur de meubles. Dans son petit atelier, situé au 6 rue Tipaza dans les buttes Miramar à Oran, au milieu d'un fatras de meubles déglingués, de pièces de bois hétéroclites et de machines-outils, dans une ambiance qui sent toujours le rance et où se mêlent les odeurs de poussière, de bois et de cire, il s'évertue chaque jour à perpétuer, en solitaire, une activité artisanale héritée de ses parents. Un métier exténuant qu'il doit exercer durant de longues journées en station debout. Le père et le grand-père étaient déjà ébénistes à Sidi Bel Abbès et c'est d'eux qu'il tient cette vocation. Dès l'enfance, il se familiarisera ainsi avec les multiples possibilités qu'offre le travail du bois. Bien que ses ouvrages fassent appel à beaucoup de créativité, Mohamed Senhadji se défend d'être un artiste, il se plaît à se définir comme un artisan ébéniste et restaurateur de meubles anciens. Son labeur consiste à fabriquer des meubles de style français, qu'il réalise sur commande en s'inspirant de vieux modèles et en les développant par une touche orientale, ce qui en fait des pièces uniques car l'exclusivité du meuble est une des premières conditions exigée par certains acquéreurs pointilleux, des clients privés qui représentent le gros de son plan de charge et dont les chicanes, avouera-t-il, sont la plupart du temps « le fait du snobisme, les vrais connaisseurs constituent une minorité car le meuble est cher et n'est pas à la portée de toutes les bourses », souligne-t-il avec du regret dans la voix « c'est une activité qui n'a pas d'avenir. On gagne notre vie, certes, mais le métier est déprécié. Les gens ne font pas la différence entre un menuisier, un ébéniste et un restaurateur de meubles. On se soucie peu du travail de création ». Sa spécialité couvre les meubles de style de grande qualité, rustiques ou contemporains (tables, armoires, commodes...) qu'il ne fabrique qu'à l'unité. Son métier allie habileté manuelle et sens de l'esthétique. Pour devenir le virtuose qu'il est dans le métier, il lui a fallu acquérir des notions en géométrie, se documenter en art et en histoire de l'art, se familiariser avec la maîtrise des techniques d'assemblage ainsi que des connaissances sur les diverses essences de bois. Et de citer les différentes matières premières qu'il utilise parce que disponibles sur le marché : acajou, chêne, hêtre, bois rouge, blanc. Il éprouve de grands problèmes pour le choix du bois car, dit-il, « il existe six coloris de bois et à chaque coloris correspondent plusieurs essences de bois et ici on ne connaît pas le noyer, le palissandre, le citronnier, le macassar ou le bois de rose et on ne trouve pas la vraie cire d'abeille ». Il lui arrive même de fabriquer des outils spécifiques pour pouvoir réaliser la moulure désirée. A l'absence de produits, il faut ajouter également le manque de main d'oeuvre qualifiée car « les jeunes ne s'intéressent pas au métier, il n'y a donc pas de relève ». C'est pourquoi il plaide pour l'octroi par l'Etat d'une aide qui encouragerait les artisans à recruter des apprentis pour pouvoir passer le métier aux plus jeunes. Parmi les œuvres de sa création, il citera avec fierté le bureau luxueux galbé en bois de rose style Louis XV, exposé dans le hall de l'Hôtel Royal d'Oran qui a servi au président Bouteflika lors d'une visite officielle à Oran et la réalisation d'un petit coffret en bois qui a été offert en cadeau au roi Juan Carlos d'Espagne.