Les potentialités financières des 30 millions d'Africains vivant à l'étranger demeurent mal exploitées par leurs pays d'origine qui doivent faire davantage pour en tirer tous les avantages économiques. Tel est le constat dressé par un rapport publié mercredi par la Banque mondiale et la Banque africaine de développement, intitulé ''Démultiplier l'impact des migrations pour l'Afrique: Envois de fonds, renforcement des compétences et investissements''. Les transferts de fonds déclarés vers les pays d'Afrique a quadruplé entre 1990 et 2010 pour s'établir à près de 40 milliards de dollars, ce qui en fait la principale source de capitaux extérieurs après les apports d'investissements directs étrangers. Concernant l'Algérie, le rapport rappelle que les transferts de fonds de l'immigration algérienne avaient atteint 2,031 milliards de dollars en 2010 (1,5% du PIB) contre 1,61 milliard de dollars en 2006. Les principaux emplois des envois de fonds de la diaspora africaine ont pris sur place la forme d'investissements pour des achats de terrains, des constructions de logements et des créations d'entreprises. Cependant, il est précisé que les chiffres officiels concernant ces envois sont nettement en deçà de la réalité, car ce ne sont pas tous les pays africains qui assurent de manière régulière la collecte et la publication de données dans ce domaine. ''Les pressions en matière de migration ne vont qu'augmenter à l'avenir du fait des mutations démographiques correspondant à l'accroissement de population en Afrique et au déclin de la population active en Europe et dans beaucoup d'autres pays développés'', souligne Hans Timmer, directeur du Groupe des perspectives de développement à la Banque mondiale. ''C'est pourquoi il est essentiel d'adapter les mesures prises au niveau des politiques en réponse à ces facteurs démographiques, et de concevoir des arrangements multilatéraux pour gérer les migrations futures'', préconise-t-il. Pour les émigrés d'Afrique du Nord, plus de 90 % d'entre eux sont installés sur un autre continent que l'Afrique alors que deux tiers des migrants d'Afrique subsaharienne, notamment les plus pauvres, sont établis dans d'autres pays africains. Les principaux pays de destination sont la France (9 % du nombre total d'émigrés), la Côte d'Ivoire (8 %), l'Afrique du Sud (6 %), l'Arabie saoudite (5 %), les Etats-Unis et le Royaume-Uni (4 % chacun). Selon Dilip Ratha, économiste principal à la BM et principal auteur du rapport, ''les pays africains doivent renforcer les liens entre diasporas et pays d'origine, protéger les migrants et accroître la concurrence sur les marchés des envois de fonds. Sinon, le potentiel qu'offrent les migrations pour l'Afrique reste en grande partie inexploité.'' Dans ce sens, il est relevé qu'un un outil novateur méritait d'être envisagé, à savoir les ''bons de la diaspora'', qui sont des titres mis en vente par des entités publiques ou privées auprès de nationaux établis à l'étranger. Cette formule a déjà permis à des pays d'autres continents de puiser dans les ressources dont disposent leurs ressortissants vivant dans d'autres pays, indique le rapport. Plusieurs Etats africains ont d'importantes diasporas dans des pays à revenu élevé et sont donc potentiellement à même d'émettre des bons de ce type. ''Les banques africaines peuvent améliorer leur accès aux marchés. internationaux des capitaux en émettant des bons qui sont titrisés au moyen des futurs envois de fonds'', a déclaré à ce sujet Mthuli Ncube, économiste en chef de la Banque africaine de développement. ''La Banque africaine de développement, la Banque mondiale et les donateurs bilatéraux peuvent jouer un rôle significatif en facilitant la titrisation des envois de fonds et en atténuant les risques que présente, pour les pays d'Afrique, l'émission de ces bons adossés à des envois de fonds'', souligne-t-il. ''Les efforts en ce sens peuvent consister à fournir une assistance technique pour la conception des projets et l'analyse de solvabilité, à assurer une gestion prudentielle de la dette et à aider les pays africains à obtenir de bonnes notes souveraines''. Par ailleurs, le rapport indique que le coût des transferts de fonds reste prohibitif, surtout à partir d'autres pays d'Afrique. Pour M. Ratha, cela ne fait qu'encourager le recours à des circuits informels, et représente une charge superflue pour les migrants africains et ceux qui bénéficient de leurs envois. Les auteurs du rapport estiment que les bureaux de poste, coopératives d'épargne et de crédit, banques rurales et institutions de microfinancement possédant de vastes réseaux de succursales peuvent jouer un grand rôle pour améliorer l'accès des pauvres et des populations rurales aux envois de fonds et autres formes de services financiers. Mais ces établissements doivent éviter de conclure des accords d'exclusivité avec les opérateurs de services de transfert de fonds, car cela restreint la concurrence et tend à accroître le coût des envois.