Les dirigeants des cinq pays émergents du groupe Brics ont exprimé jeudi leur opposition au recours à la force en Libye, lors de leur sommet en Chine, peu avant l'ouverture à Berlin d'une réunion ministérielle de l'Otan consacrée en grande partie à la crise libyenne. "Nous partageons le principe selon lequel l'usage de la force doit être évité", affirment le Brésil, la Russie, l'Inde, la Chine et l'Afrique du Sud (Brics) dans un projet de déclaration conjointe à l'issue du sommet de Sanya, dans le sud de la Chine.Le président russe Dmitri Medvedev, dont le pays dispose d'un droit de veto au Conseil de sécurité de l'ONU, a affirmé, lors d'une conférence de presse après la réunion, que la résolution 1973 de l'ONU n'autorisait pas les frappes menées par l'Otan en Libye. "Les résolutions du Conseil de sécurité devraient être appliquées (..) à la lettre et selon leur esprit", a déclaré M. Medvedev. "Qu'avons-nous comme résultat ? Nous avons essentiellement une opération militaire. La résolution ne dit rien de cela", a-t-il insisté, affirmant que sur cette question "les pays du Brics sont totalement unis". Ces propos critiques du président russe à l'encontre de la campagne militaire de l'Otan en cours interviennent alors que les chefs de diplomatie des 28 pays de l'Alliance se retrouvaient à Berlin, divisés sur la nécessité d'accentuer l'intensification des frappes militaires en Libye. Seuls six pays des 28 l'Otan (Belgique, Canada, Danemark, France, Norvège et Royaume-Uni) participent aux frappes. La France et la Grande Bretagne, les plus farouches défenseurs du durcissement de l'intervention militaire, vont tenter lors de cette rencontre d'obtenir le soutien de leurs alliés, mais des pays comme l'Allemagne se sont déjà montrés réticents. Le ministre allemand des Affaires étrangères Guido Westerwelle a affirmé mardi à Doha, ou s'est tenue une la réunion du groupe de contact sur la Libye, que son pays "ne voit pas de solution militaire" dans ce pays et que "l'Allemagne est disposée à soutenir l'action humanitaire en faveur du peuple libyen". La Turquie, pays important dans l'échiquier de l'Otan, reste radicalement opposée à l'intervention militaire. Ankara, qui demande l'arrêt immédiat des combats, a même proposé une "feuille de route" visant à résoudre la crise en Libye. Cette initiative repose sur trois points essentiels: le retrait des forces du Colonel El-Gueddafi des villes assiégées, la création de couloirs humanitaires sûrs et l'adoption de réformes destinées à promouvoir l'avènement d'une démocratie constitutionnelle. De son côté, l'Espagne, qui, tout comme les Pays-Bas, refuse de participer aux bombardements, a fait savoir qu'elle ne changera ni son dispositif ni sa mission militaire en Libye, en dépit de l'appel de la France et de la Grande Bretagne pour accroissent de l'engagement de leurs alliés. L'Espagne maintiendra les mêmes moyens militaires qu'elle a mis à la disposition de l'Otan (quatre chasseurs-bombardiers F-18 et un avion ravitailleur, plus une frégate, un sous-marin et un avion de surveillance maritime), a affirmé son chef de la diplomatie, Trinidad Jimenez, avant de participer à un déjeuner avec ses 27 homologues de l'Alliance atlantique. Madrid a choisi de limiter sa participation à l'opération Protecteur unifié au respect de l'embargo sur les armes et de la zone d'exclusion aérienne, et elle continuera de mettre "les moyens correspondants à l'avenir", a-t-elle précisé Trinidad Jimenez. Plusieurs voix se sont déjà fait entendre qui réclament une solution politique à la crise libyenne. Le secrétaire général de l'ONU, Ban Ki-moon, a appelé jeudi à multiplier les efforts en vue d'aboutir à un "cessez-le-feu immédiat" et une solution "politique" au conflit. "Nous réitérons notre appel à un cessez-le-feu immédiat", a déclaré M. Ban, à l'issue des travaux de la réunion internationale sur la Libye jeudi au Caire, qu'il co-présidait avec le secrétaire général de la ligue arabe, Amr Moussa. "Nous appelons à un processus politique pour que le peuple libyen puisse réaliser ses aspirations", a t-il dit. La conférence du Caire à laquelle ont pris part la chef de la diplomatie européenne Catherine Ashton, le chef de l'Organisation de la conférence islamique (OCI) Ekmeleddin Ihsanoglu et le président de la Commission de l'Union africaine, Jean Ping, vise à "examiner les solutions et les issues politiques à la crise libyenne et à coordonner les efforts entre ces organisations", a précisé Ahmed Ben Helli, le secrétaire général adjoint de la Ligue. La Libye a réitéré jeudi son attachement à une solution pacifique au conflit qui la déchire. Son ministre des Affaires étrangères Abdelati Laabidi a réaffirmé "l'engagement de son pays à la médiation de l'Union africaine (UA) et son souhait de parvenir à une solution politique" au conflit, a dit à la presse le chef de la diplomatie chypriote Marcos Kyprianou à l'issue d'un entretien d'une heure avec son homologue libyen à Nicosie. Le plan de l'UA, que Tripoli a accepté, prévoit la cessation immédiate des hostilités, un acheminement facilité de l'aide humanitaire et le lancement d'un dialogue entre les parties libyennes en vue d'une transition. La rébellion libyenne a toutefois rejeté ce plan, refusant toute médiation "ne prévoyant pas un départ immédiat de Maammar El Gueddafi et de ses fils". Le ministre chypriote, dont le pays est hostile à l'intervention militaire en Libye, a déclaré qu'il informerait ses homologues de l'Union européenne ainsi que la chef de la diplomatie européenne Catherine Ashton de la teneur de ses entretins avec M. Laabidi.