Les œuvres projetées au 2e Festival international du cinéma d'Alger (Fica) ont confirmé chez leurs réalisateurs une attention à la recherche esthétique et une orientation sociale des thèmes, dépassant le positionnement idéologique qui a longtemps dominé le film engagé. Organisé du 6 au 13 décembre dans deux salles à Alger, le festival a vu la projection de 23 œuvres dont 10 longs-métrages de fiction, traitant de l'immigration clandestine, de l'univers carcéral ou encore des conditions de vie en Afrique avec une grande créativité. A l'exemple de "La pirogue" du sénégalais Moussa Touré (Tanit d'Or au 24èmes Jcc, Tunisie) évoquant les causes et des dangers de l'immigration clandestine, dans un travail remarquable de création de personnages servis par une écriture minutieuse et symbolique. De leur côté, les frères Taviani (Italie) ont exploré dans "César doit mourir" le potentiel artistique de détenus, devenus comédiens d'un jour, en suivant l'élaboration d'une représentation théâtrale dans un film expérimental, brouillant les frontières entre fiction, documentaire et "making-off" théâtral. Les conditions de vie en Afrique ont été abordées par le franco-sénégalais Alain Gomis dans "Aujourd'hui (Tey)", un film mêlant allusions à la situation sociopolitique au Sénégal et réflexions philosophiques sur le rapport à la mort. Des œuvres en accord avec les orientations du critique italien Mario Serenellini qui a insisté sur l'importance des "choix esthétiques d'une œuvre engagée", soutenant que "ce n'est pas le thème qui fait l'engagement d'un film mais la manière de le porter à l'écran". L'engagement pour le droit des peuples à l'autodétermination a été aussi traité par "Zindeeq" du Palestinien Michel Khleïfi et "Wilaya" de l'Espagnol Pedro Perez Rosado qui ont abordé les causes palestinienne et sahraouie par des drames individuels sur fond de conflits politiques. Engagements d'hier et d'aujourd'hui dans la sélection documentaire Sur les 13 documentaires projetés, une majorité dresse des portraits de figures militantes du 20e siècle, engagés pour les causes de la décolonisation et de la lutte contre les inégalités dans le monde. Produits et destinés pour la télévision pour la plupart, ces documentaires sollicitent les témoignages de l'ancien résistant français Stéphane Hessel, de l'ex-directeur du journal "Alger Républicain" Henri Alleg ou encore du sociologue suisse Jean Ziegler en les accompagnant d'images d'archives des conflits majeurs du siècle dernier. Par ailleurs, la volonté des organisateurs de marquer le cinquantième anniversaire de l'indépendance algérienne s'est traduite par la programmation d'œuvres retraçant le parcours d'Algériens et d'étrangers, engagés au côté de l'Algérie. A l'exemple de "Ils ont rejoint le front" du français Jean Asselmeyer, consacré aux Algériens d'origine européenne, à l'instar de Pierre Chaulet et d'Annie Steiner, engagés en faveur de l'indépendance. La lutte des femmes algériennes, abordée par "Moudjahidates" d'Alexandra Dols (France) et "La moudjahida et le parachutiste" du franco-algérien Mehdi Lallaoui, est évoquée à côté des tortures subies par ces combattantes. Chloé Hunziguer s'est, pour sa part, intéressée dans "L'Algérie nouvelle, on y croyait" aux "pieds rouges", ces étrangers, de gauche en majorité, venus en Algérie après 1962 pour participer à la reconstruction du pays. Très attendus par le public, les films réalisés suite aux soulèvements dans les pays arabes n'ont pas été retenus par le festival, exception faite du documentaire "Thala, rébellion éternelle" du tunisien Adel Bakri. Une absence que les organisateurs justifient par volonté de "ne pas gêner la programmation du Festival d'Oran du film arabe" (15-22 décembre). L'évolution du Fica s'est concrétisée par l'instauration d'une compétition officielle et l'organisation d'hommages au réseau "Shashat" de cinéastes palestiniennes, à Madeleine Riffaud, militante et reporter de guerre française et au réalisateur grec Costa Gavras, dont le dernier film "Le capital" est programmé, jeudi, en clôture du festival.