Sept premières réalisations de jeunes documentaristes algériens, issus de l'atelier de création "Béjaia Doc", ont été projetées jeudi à la cinémathèque d'Alger, proposant autant de regards sur divers aspects de la société algérienne contemporaine et sur des préoccupations plus intimes de leurs auteurs. Fruit d'une année de stage avec une équipe de professionnels du documentaire et membres des associations Cinéma et mémoire (Algérie) et Kaina Cinéma (France), organisatrices de l'atelier, ces documentaires abordent des thèmes comme les enfants abandonnés à la naissance, la précarité chez les demandeurs d'emploi ou encore des questionnements de jeunes parents dans l'Algérie d'aujourd'hui. Ainsi, Asma Guergour a choisi de filmer dans "Yatim" (L'orphelin), Mohammed-Chérif et Mounia, deux "enfants nés sous x", en basant son propos sur le témoignage et les questionnements de ces derniers dans la construction de leur personnalité d'adultes. Mené à la manière d'une interview journalistique, avec une esthétique très sobre, ce documentaire de 27 minutes met en lumière la "blessure" des protagonistes, confrontés au tabou social qui entoure les circonstances de leur naissance et de leur abandon, en insistant sur leur combat pour être reconnus en tant qu'individus à part entière. Dans un registre plus poétique, le couple Amel Blidi et Nabil Boubaker se sont mis en scène dans "Amek ara degurine wussan" (Demain sera un autre jour), un film qui tente de cerner les interrogations de ces jeunes parents quant à leur propre avenir et à celui de leur fils. Avec un texte très littéraire et des images d'une grande beauté qui subliment des paysages d'Alger et de Kabylie, les réalisateurs ont choisi d'aborder ce sujet intime par le biais de séquences allusives et de propos suggestifs. Razik Benallal a, pour sa part, privilégié la dérision en interrogeant dans "El havs amokrane" (La grande prison) des jeunes inscrits à l'Anem (Agence nationale de l'emploi) ou ayant bénéficié en partie d'un crédit Ansej (Agence nationale de soutien à l'emploi des jeunes). Ces derniers évoquent avec humour, et non sans une certaine rancoeur, les obstacles bureaucratiques ou les difficultés avec des entreprises et des fournisseurs auxquels ils font face, un choix d'écriture qui a rehaussé le niveau du documentaire malgré des insuffisances techniques, ainsi que l'ont fait remarqué des spectateurs. D'autres réalisateurs à l'exemple de Nassim Aït Ahmed et Aicha Messadia ont abordé les thèmes du deuil et de la folie à travers des histoires familiales ou des témoignages de personnes ayant séjourné dans des hôpitaux psychiatriques, successivement dans "Toujours présent" et "Menthol", projetés aux côtés de "Habit engoulek" de Fatima Dridi et "Kouchet el djir" de Amine Boukraa. Sélectionnés sur la base d'un appel à candidature lancé en 2012 et qui a totalisé une cinquantaine de postulants, selon la responsable pédagogique de l'atelier, Habiba Djahnine, ces documentaristes débutants ont été encadrés dans les différentes étapes de réalisation (écriture, repérages, tournage et montage). Les sept documentaires seront, par ailleurs, projetés dans des cinémathèques et des ciné-clubs de différentes villes algériennes, ont indiqué les organisateurs sans donner plus de précisions. Crée en 2007, l'association Cinéma et Mémoire, présidée par la documentariste algérienne Habiba Djahnine, encadre durant une année six à huit stagiaires pour la réalisation d'un premier documentaire en "lien direct avec la vie et l'environnement" de l'auteur. Un coffret DVD réunissant les documentaires des précédentes éditions de l'atelier avait été édité en 2012.