Le contrôle de l'islam et ses mosquées par l'Etat français constitue un avant-goût de ce que va être la campagne électorale pour la présidentielle de 2017, au moment où plusieurs membres de la communauté musulmane refusent d'associer les meurtries à l'islam. La scène politico-médiatique française connait un intérêt particulier notamment depuis le souhait du Premier ministre Manuel Valls, exprimé vendredi dernier sur les colonnes du Monde, pour "inventer une nouvelle relation avec l'islam de France". Un souhait qui intervient au lendemain de l'attentat meurtrier dans une église contre un prêtre à Saint-Etienne-du-Rouvray (près de Rouen). L'opportunité et l'argumentaire de ce souhait, que beaucoup le comprennent comme une volonté du gouvernement de contrôler l'islam en France, notamment depuis les attentats de Nice, dans lequel une victime sur trois était musulmane, et celui de Saint-Etienne-du-Rouvray, ne sont pas facilement acceptés par les membres de la communauté musulmane qui refusent d'associer les meurtriers à la religion musulmane, deuxième religion de France, qui "prône la paix et la fraternité". Joignant le geste à la parole, plusieurs musulmans (femmes et hommes), fatigués d'être pointés du doigt après chaque attentat terroriste, ont tenu à participer dimanche aux cérémonies de recueillement pour le prêtre assassiné. Un vingtaine de mosquées fermées depuis décembre 2015 Mais ce dont ils redoutent c'est que cet amalgame entre l'islam et le terrorisme soit entretenu, malgré son absence dans le discours officiel des responsables français. D'ailleurs, le recteur de la Grande Mosquée de Paris, Dalil Boubakeur, avait affirmé dans une interview à l'APS que "les musulmans sont inquiets en France à cause de cette volonté de les assimiler et amalgamer avec les éléments de l'organisation terroriste Daech, qui sont nés en France et qui pratiquent le terrorisme". Il s'était offusqué en soulignant que "les personnes en France, qui ne comprennent pas l'islam, croient que, ce que fait Daech en prononçant des "Allah Akbar" (Dieu est Grand) à chaque acte terroriste et se référant à des versets du Coran, c'est l'islam". Lundi, une députée de la droite, Nadine Morano, candidate à la primaire pour la présidentielle de 2017, a fait monter les enchères en déclarant sur les ondes de RMC qu'elle ne voulait pas que la France "devienne musulmane", appelant à "la fermeture et la démolition des mosquées salafistes." Depuis décembre dernier, une vingtaine de mosquées et salles de prières ont été fermées, selon les déclarations du ministre de l'Intérieur, Bernard Cazeneuve, un ministre auquel on lui reproche le "manque d'efficacité" dans la lutte antiterroriste. Financement des mosquées : la difficile entreprise ? En recevant dans la matinée de lundi le président et le secrétaire général du Conseil français du culte musulman (CFCM), Anouar Kbibech et Abdallah Zekri, dans le cadre de la décision du gouvernement de contrôler les mosquées ainsi que leur financement, le ministre a indiqué qu'il n'y a "pas de place" pour "ceux qui dans des salles de prière ou dans des mosquées appellent à la haine". Dans un rapport de la mission d'information sénatoriale sur l'organisation, la place et le financement de l'islam en France et de ses lieux de cultes, publié jeudi sur le site du Sénat, les auteurs ont recommandé aux Etats, qui subventionnent des mosquées en France, de faire transiter leurs financements par la Fondation pour les œuvres de l'islam de France. Au sujet de la formation des imams, ils ont estimé que les imams détachés et la formation à l'étranger d'imams français constituent un "palliatif" dans l'attente d'imams formés en France "sur la base d'une formation unifiée et adaptée au contexte français". Pour sa part, le gouvernement compte relancer, dans les prochains jours, la "Fondation de l'islam de France" pour oeuvrer à "garantir la totale transparence dans le financement" des mosquées. Une opération, selon nombre d'observateurs politiques, très "improbable" dans la mesure, expliquent-ils, où "il est difficilement envisageable de couper les liens avec l'étranger pour le financement des mosquées et la formation des imams". Mais, à l'état actuel des choses, rien n'a filtré sur les contours d'un tel projet dont on ne sait pas s'il finira par un texte législatif, mais l'embarras devant ce souhait de "contrôler" le culte musulman est "palpable" chez les responsables, estime-t-on. Pour rappel, les subventions allouées aux mosquées de France par des pays, dont l'Algérie, s'élèvent à près de 12 millions d'euros. Le Maroc a contribué en 2016 avec 6 millions d'euros, dont les salaires des 30 imams détachés, l'Algérie a versé en 2016 à la Grande Mosquée de Paris 2 millions d'euros hors les salaires des 120 imams détachés (des chiffres communiqués par l'ambassadeur d'Algérie lors de son audition), l'Arabie Saoudite 3,8 millions d'euros depuis 2011 et pour la Turquie, il s'agit d'un financement indirect uniquement par la rémunération de ses 151 imams détachés.