L'Irak connaît depuis prés d'un mois un mouvement de contestation réclamant "le départ du pouvoir en place" malgré l'annonce par les autorités d'une série de réformes sociales, alors que le bilan de ces troubles ne cesse de s'alourdir dépassant les 200 morts. Déclenché le 1er octobre à la suite d'appels spontanés sur les réseaux sociaux, le mouvement de contestation dénonçait la corruption et réclamait des emplois et des services fonctionnels. Mais les manifestants veulent à présent "le renouvellement total de la classe politique". Dimanche matin, des centaines d'Irakiens sur la place Tahrir dans la capitale Baghdad ont appelé à "arracher par la racine" la classe dirigeante. "On veut la chute du régime! Qu'on les arrache tous par la racine!", lance un manifestant cité par des médias. Sur la place emblématique de Tahrir, tous les manifestants se disent prêts à rester aussi longtemps qu'il le faudra pour obtenir "la chute du régime". Pourtant, le chef du Parlement irakien Mohammed al-Halboussi et le Premier ministre Adel Abdel Mahdi ont promis depuis le début de la contestation une série de réformes sociales. Mais, rétorque un manifestant, "on ne veut d'aucun d'eux, ni Halboussi ni Abdel Mahdi". Interrompue pendant 18 jours le temps du plus important pèlerinage chiite, la contestation a repris jeudi et a été marquée par une série de violences avec l'incendie dans le sud du pays de dizaines de sièges de partis, de bureaux de députés et surtout des QG des factions armées de Hachd al-Chaabi, coalition de paramilitaires alliée du gouvernement irakien. Pour la seule journée de jeudi, une soixantaine de morts ont été enregistrés durant ces troubles notamment dans le sud du pays "sous couvre-feu". Et selon un bilan officiel, au moins 220 personnes, en majorité des manifestants, sont mortes dans les protestations et des violences en près d'un mois. Ces violences n'ont pas touché Baghdad. Les manifestants sur la place Tahrir, proche de la Zone verte où siègent le Parlement et l'ambassade des Etats-Unis, assurent que leur mobilisation contre le pouvoir est pacifique. Le gouvernement sous double pression Dans la foulée de la contestation, le bras de fer politique se poursuit avec un sit-in au Parlement des députés du leader chiite Moqtada Sadr qui assurent qu'ils le maintiendront jusqu'à ce que soient "satisfaites les revendications" des manifestants, accentuant ainsi la pression sur le gouvernement de Adel Abdel-Mahdi. Dans une tentative d'apaiser la tension, le Premier ministre irakien a plaidé pour réformer le système d'attribution des postes de fonctionnaires et abaisser l'âge des candidats aux élections dans un pays où 60% de la population a moins de 25 ans. Toutefois, les protestataires rejettent en bloc les mesures sociales annoncées. De son côté, le grand ayatollah Ali Sistani, plus haute autorité religieuse chiite d'Irak, a appelé vendredi à la réforme et à la lutte anticorruption, tandis que le leader chiite Moqtada Sadr a réclamé début octobre la démission du gouvernement et de nouvelles élections. Et Parlement qui devait se réunir pour discuter des revendications des manifestants a de nouveau annulé sa séance faute de quorum. En réaction à la situation explosive en Irak, la Mission d'assistance des Nations unies pour l'Irak (MANUI) a exprimé sa profonde inquiétude face aux "tentatives d'entités armées visant à porter atteinte à la stabilité de l'Irak". Ains, la représentante spéciale du secrétaire général des Nations unies pour l'Irak, Jeanine Hennis-Plasschaert, "regrette profondément et condamne les nouvelles pertes en vies humaines et les blessures, et dénonce fermement la destruction de biens publics et privés", selon un communiqué de la MANUI. Elle a également exprimé sa profonde préoccupation devant les entités armées cherchant à porter atteinte à la stabilité et à l'unité de l'Irak, soulignant que "la protection de la vie humaine est toujours une priorité". La responsable onusienne a répété que "la mise en œuvre des mesures, annoncées par le gouvernement ces dernières semaines, prendra du temps, soulignant qu'un dialogue constructif sera dans l'intérêt de tous les Irakiens".