Un dispositif national de suivi de l'impact psychologique du Coronavirus sur la population a été mis en place, dès l'apparition de la pandémie, a assuré Pr Mohamed Chakali, Sous-directeur de la Promotion de la Santé mentale au ministère de la Santé, de la Population et de la Réforme hospitalière. "Partout dans le monde, des notes évoquent une psycho-pandémie qui suivra cette crise sanitaire, avec une détérioration de la santé mentale de la population et l'Algérie n'y échappera. Aussi, nous avons mis en place, dès mars 2020, un dispositif de recensement et de mobilisation des ressources humaines, au niveau des établissements hospitaliers publics, afin d'assurer le suivi à distance des victimes", a déclaré à l'APS, Pr Chakali. Tout en précisant que les 48 Directions de la Santé et de la Population (DSP) ont été saisies à cet effet, il a précisé l'existence de plus de 1000 psychiatres et de quelques 1200 psychologues activant dans le système de santé public, en sus de ceux exerçant dans le secteur privé et d'autres départements. "Notre mission est d'organiser tout ce dispositif qui est en construction, l'objectif étant la mise en place d'un système d'informations et d'alertes sur les cas de détresse mentale répertoriés dans chaque wilaya", a-t-il poursuivi, indiquant "ne pas avoir, pour le moment, le canevas des cas directement impactés par la Covid-19, ce dernier ayant été "grandement chamboulé par l'urgence de la pandémie". Le dispositif en question a ciblé les malades, leurs familles ainsi que les professionnels de santé en priorité, puis le reste de la population "toute concernée par la question", a-t-il encore détaillé, considérant que "nul n'est à l'abri, même si la résilience diffère d'une personne à une autre". Tout en relevant une "hausse remarquable" des cas psychologiquement affectés par la Covid-19, il a cité des facteurs en cause comme l'isolement, les deuils, les pertes d'emploi, la crainte de la mort, l'addiction aux écrans, les troubles du sommeil et du comportement, les violences, les conflits intrafamiliaux, etc. Evoquant l'intervention des spécialistes de la santé mentale pour l'accueil psychologique des victimes de la crise actuelle, il a cité le cas du CHU de Drid Hocine (Alger) dont les pédopsychiatres ont organisé "des plates-formes virtuelles de suivi et d'écoute au profit d'enfants, préalablement pris en charge par cette structure, l'enjeu étant de "ne pas interrompre" les consultations en raison de la Covid-19. Lire aussi: Conséquences psychologiques de la Covid-19 : la population variablement impactée "Il fallait également s'occuper rapidement des personnes atteintes de troubles mentaux, car nous avions la crainte que ces patients constituent des clusters de l'épidémie qui seraient difficiles à éradiquer tant leur prise en charge est très compliquée, comme cela est arrivé dans d'autres pays ", a-t-il ajouté. Et de se féliciter du nombre "limité" de contaminations parmi ces patients, faisant savoir que la tutelle a, néanmoins et à titre préventif, instruit la direction du CHU Frantz-Fanon de Blida de "réduire" ses activités. Formation du personnel "qualifié" "Les conséquences psychologiques de cette crise peuvent être très invalidantes. Ce sont des maladies qui ont besoin de personnels qualifiés car soumises à des techniques thérapeutiques bien codifiées et standardisées", a, par ailleurs, souligné Pr Chakali, s'agissant de "l'importance" de la formation des spécialistes du domaine. il a expliqué que "la formation initiale n'a pas prévu une situation sanitaire aussi inédite qu'exceptionnelle", faisant le parallèle avec la période de "la décennie noire", dont les retombées ont été "néfastes" sur la santé mentale des personnes directement touchées. "L'Algérie avait fait face à cette tragédie en formant le personnel aux techniques et outils de prise en charge psychologique des victimes et c'est une ressource formée qui est devenue elle-même formatrice. Ce pourquoi, nous pouvons considérer que, pour avoir connu et surpassé plusieurs épreuves et catastrophes naturelles, l'Algérie est mieux dotée que plusieurs pays en matière de stress post-traumatiques", a-t-il avancé. Abordant le cas des professionnels de la santé, en ligne de front de la lutte anti-Covid et par conséquent les plus exposés aux risques, Dr Chakali a expliqué que la réaction de ces derniers n'a pas été celle de "personnes malades mais de sujets ayant répondu à une situation anormale", soulignant notamment la charge de travail "excessive "ainsi que la peur des contaminations, auxquelles les blouses blanches sont confrontées. "En dépit de la stabilisation de la situation épidémiologique, il y a une représentation de la peur: lorsqu'on a peur d'être infecté par le virus en allant travailler, de contaminer ses proches, la hantise est la même que l'on soit face à un seul malade ou à plusieurs. La peur est subjective, omniprésente et irrationnelle ", a-t-il explicité, notant que la peur est "un sentiment invalidant qui peut également conduire à l'évitement du travail". A l'adresse du corps médical, Dr Chakali a préconisé de "les rassurer sur l'existence de solutions à même de les aider", dont la multiplication du personnel pour pouvoir réduire la charge, lorsque cela est faisable, l'apprentissage des techniques de respiration pour atténuer l'effet contraignant du masque, etc.