En proie déjà à une crise économique, le Soudan peine à se remettre des tensions politiques, liées notamment au dernier coup de force de l'armée ciblant le gouvernement en place depuis trois ans, ce qui a conduit à des mouvements de protestations. Les développements dans ce pays de l'Afrique de l'Est se sont accélérés le 25 octobre dernier avec notamment l'arrestation, par l'armée, du Premier ministre Abdallah Hamdok, l'annonce de l'état d'urgence et la dissolution du gouvernement et du Conseil de souveraineté par le président du Conseil de transition, le général Abdel Fattah al-Burhane. Des manifestations s'opposant à ces mesures ont depuis eu lieu pour tenter de "remettre la transition démocratique sur les rails", alors que les appels à la retenue et à éviter les violences se multipliaient dans ce pays dirigé par un gouvernement de transition composé de militaires et de civils, créé après l'éviction d'Omar el-Bachir en avril 2019 sous la pression de la rue. Début novembre, des efforts de "médiation" ont eu lieu au Soudan et à l'étranger pour une "possible sortie" de crise, et plusieurs pays ont lancé un appel commun à la "restauration immédiate" du gouvernement civil. Face à ces appels et pour apaiser les tensions, al-Burhane a rétabli Hamdok à son poste, promettant une transition vers un Etat civil et des élections libres pour juillet 2023. Ils ont signé un accord politique selon lequel ils allaient se partager le pouvoir et procéder à la libération de tous les ministres et dirigeants civils. Un deal qui a permis à Hamdok de retrouver son poste. Le pays menait depuis août 2019, une période de transition de 53 mois qui devait être couronnée par l'organisation d'élections en juillet 2023 afin d'avancer vers le rétablissement de la stabilité politique et le parachèvement des objectifs de la transition démocratique établis en vertu du document constitutionnel signé le 17 août 2019. Si le retour de Hamdok a été largement salué par la communauté internationale, qui a insisté sur la retenue et le dialogue, les forces politiques soudanaises ont rejeté le pacte, y voyant une "tentative de légitimer le coup d'Etat". Colère de la rue Les manifestations "anti-coup d'Etat", lancées par les partisans d'un pouvoir civil, se sont alors poursuivies, réprimées toutefois par l'armée. Bilan : au moins 46 morts et des centaines de blessés, selon un syndicat de médecins. "Nous sommes confrontés aujourd'hui à une régression majeure dans la marche de notre révolution qui menace la sécurité, l'unité et la stabilité du pays et risque de mener l'Etat dans un abîme qui ne nous laissera ni patrie ni révolution", a déclaré le 18 décembre M. Hamdok, à la veille du troisième anniversaire de la révolution qui a évincé el-Bachir en 2019. En ce jour de commémoration, des centaines de milliers de Soudanais ont encore une fois repris la rue, réclamant cette fois-ci, "la chute d'al-Burhane". D'autre part, le pays a entrepris en 2021 des réformes économiques difficiles pour pouvoir bénéficier d'un programme d'allègement de la dette du Fonds monétaire international (FMI), dont la réduction des subventions, jugées" trop sévères" par les Soudanais qui avaient protesté contre l'augmentation du coût de la vie. En outre, le Soudan est ravagé par des conflits depuis des décennies, notamment au Darfour, immense région de l'Ouest où au moins 300.000 morts ont été déplorés, outre 2,5 millions de déplacés, selon l'ONU. Ce pays a également reçu des dizaines de milliers de réfugiés, fuyant la région du Tigré en Ethiopie, en proie à un conflit armé depuis plus d'une année. Les tensions entre les deux pays se sont exacerbées en 2021 autour d'un contentieux frontalier concernant la région fertile d'al-Fashaga, où des agriculteurs éthiopiens s'étaient installés avant d'être délogés par l'armée soudanaise. Les relations entre les deux pays souffrent également de l'impasse des négociations sur le Grand barrage de la Renaissance (Gerd) construit par Addis Abeba sur le Nil, Khartoum le voyant comme une "menace" pour son approvisionnement en eau.