Sauvées des affres d'un habitat plus que précaire pour être relogées dans des habitations neuves à Ali Mendjeli (Constantine), des centaines de familles ont célébré, pour la première fois, la fête de l'Aïd loin de l'environnement souvent nauséabond où elles ont vécu pendant des décennies. Même si une certaine forme de nostalgie chez certains est perceptibles chez certains, ces familles ont fêté, pour une fois, l'Aïd el fitr dans un espace sain, moderne et dotéde toutes les commodités pour mener une vie décente et digne. "C'est vrai que nous avons un petit pincement au coeur, car on a longtemps vécu différemment, mais notre vie se déroulait dans des conditions déplorables et nous voilà aujourd'hui sous des toits décents. L'ambiance et la convivialité s'établiront au fil des années", dira Zohra S., "tirée" de l'enfer des bidonvilles de Djenane Tchina où elle vivait avec ses cinq enfants. Cheikh Saïd B, 65 ans, qui a passé toute sa vie rue Rahmani Achour (ex- Bardo) et qui vient d'être relogé à Ali Mendjeli, cache, lui, très mal son chagrin et évoque avec beaucoup d'amour ses souvenirs à la mosquée Chentli qu'il qualifie de "tout un pan d'histoire" des ex-habitants de ce pittoresque quartier. Si les adultes semblent cependant bien gérer l'absence de leurs repères habituels, les plus jeunes semblent éprouver quelque difficulté à s'accommoder de leur nouveau milieu. Ils souhaitent, comme le souligne Mehdi A, un lycéen de 17 ans, ''trouver rapidement de nouveaux repères, se faire de nouveaux copains'' et attendent, pour cela, avec impatience, la rentrée des classes. Malgré tout, ce jeune homme a tenu, au premier jour de l'Aïd, à faire une virée à son ancien quartier, aujourd'hui en chantier, en contrebas du futur viaduc trans-Rhumel. "Vous savez, j'y suis né, j'y ai grandi et j'y ai mes habitudes", dit-il un tantinet triste, avant de reconnaître toutefois que "cela ne pouvait pas durer éternellement". En ce jour de fête, Aldjia H, ,44 ans, surveille avec le sourire, depuis son balcon du 2e étage, son petit dernier, Makram, qui gambade gaiement sur le large trottoir. "Avant, à Djenane Tchina, j'étais prise de panique à chaque crissement de pneus sur la route joignant Chaâet Ersass (près du stade Hamlaoui), à Bab El Kantara, ou à chaque fois que je voyais mon petit jouer au milieu de la fange omniprésente devant notre logis'', témoigne cette dame, avant d'assurer que l'une de ses plus grandes joies, à elle et à son mari, est de pouvoir "acheter, de temps en temps, des petits bibelots pour (son) appartement, un petit F3, certes, mais qui n'a plus rien à voir avec une baraque tapissé de tôle ondulée". Son mari, Bachir, la soixantaine, mais toujours alerte, acquiesce et souhaite que tous ceux qui résident encore dans des logements de fortune puissent enfin vivre décemment et offrir une existence plus confortable à leurs enfants. S'interrompant un instant pour donner l'accolade à un voisin de passage, il reprend pour assurer que "c'est la première fois de (sa) vie (qu'il) peut, le jour de l'Aïd, appréhender l'avenir de (ses) enfants, désormais éloignés de la promiscuité, avec confiance et sérénité". Dans ce que l'on appelle, à la nouvelle ville Ali Mendjeli, les ''UV'' (unités de voisinage), la nostalgie des jours de fête d'antan envahit parfois l'esprit, notamment des plus âgés, mais on essaye de ne pas trop y penser et de regarder vers demain.