Le symposium international sur "La migration africaine et ses effets sur le développement du continent" qui s'est tenu du 19 au 22 octobre à Tipasa, a été de l'avis de tous "très instructif" et digne d'intérêt pour les chercheurs présents, a indiqué à l'APS Farfara Yacine, directeur du centre de recherche en économie appliquée pour le développement (CREAD). Ce symposium a eu le mérite de proposer de nouvelles pistes de recherche sur le sujet, loin de la vision des pays développés et avec une nouvelle approche du phénomène migratoire en Afrique en vue de battre en brèche la théorie selon laquelle l'occident est le réceptacle principal des migrations africaines qu'elles soient économique, politique ou encore climatique a ajouté le directeur du CREAD. M. Farfara en veut pour preuve ces quelques chiffres d'enquêtes menées par les africains eux-mêmes ou par des organismes onusiens qui sont "explicites" à savoir que plus de 53% de la migration africaine est intra continentale avec deux pôles qui se dessinent : l'Afrique du sud et de l'ouest ainsi que la Libye. La population africaine est évaluée en 2010 à un milliard de personnes et la part des migrants est en baisse, puisqu'elle est passée de 3,3 en 1990 à 2,1 en 2010 avec un volume de 22 millions de personnes, a-t-on signalé. Concernant la progression des migrants sur le continent, qui a connu un ralentissement entre 1990 et 2010, le même responsable a précisé que celle-ci qui était, en 1960, de 9 millions est passée en 2005 à 17,5 millions pour atteindre les 21 millions en 2010, y compris les populations réfugiées. L'autre question largement débattue par les participants est celle relative à l'apport financier de ces migrants à leurs pays d'origine à travers les transferts d'argent qui, ont constaté les chercheurs, restent dérisoires en matière de contribution au développement des économies de ces pays. Cette question, selon le directeur du CREAD, est une nouvelle piste de recherche à explorer et développer car il existe très peu de données chiffrées réelles sur le transfert de l'argent des migrants, et selon la banque mondiale, sur les 54 pays africains celle ci ne dispose de données que de 9 d'entre eux (Lesotho, Tchad, RDCongo, Ethiopie, Burundi, Guinée Equatoriale, Somalie, Zimbabwe,Libéria). Sur les 44 pays restants, 10 pays captent 90% des transferts, c'est-à-dire plus de 24 milliards de dollars sur une totalité de 27 milliards de dollars tandis que les 10% sont répartis entre les 34 autres pays. L'autre point important de ce symposium, qui a permis la présentation de 35 communications sur les 57 prévues en plus des travaux d'ateliers de 9 doctorants, est celui de la mobilité des compétences, autrement dit la fuite des cerveaux, du continent africain qui a connu ces vingt dernières années une saignée avec le nouveau concept de la migration choisie imposée par des pays occidentaux qui renvoient les pauvres et accueillent l'élite. Cette question, largement débattue, selon M. Farfara, a mis en exergue que même si les rares chiffres dont on dispose sur cet exode peuvent varier, ils montrent tous que le continent va perdre les personnes (son élite) dont dépend son développement social, scientifique et économique. Citant un rapport de la CEA, pour la période entre 1960 et 1989, il a noté que 127.000 spécialistes africains hautement qualifiés ont quitté le continent. D'après l'Organisation Internationale pour la Migration (OIM), les départs se chiffrent à 20.000 par année depuis 1990 et, aujourd'hui, plus de 300.000 spécialistes africains résident à l'étranger.L'exemple le plus explicite est celui de l'Ethiopie qui a perdu 75% de sa main-d'oeuvre spécialisée. Cet exode qui provoque "la lente asphyxie" du continent a fait dire aux Nations Unies que l'émigration de spécialistes africains vers l'Occident est un des principaux obstacles au développement de l'Afrique, a-t-on relevé.Une problématique à laquelle les chercheurs présents à Tipasa ont commencé à y réfléchir pour d'abord la quantifier et pourquoi pas proposer des solutions aux décideurs politiques, a-t-on signalé. Un chercheur nigérien de l'université de Niamey, M. Mounikia Harouna, a dit, de son coté, avoir "beaucoup appris" durant son séjour à Tipasa en particulier sur les flux vers le nord qui sont "insignifiants". Désormais, a-t-il souligné, il y a des arguments pour battre en brèche "l'agitation des pays développés quant à leur envahissement par les immigrés du continent africain". De plus, le chercheur nigérien qui a plutôt une approche de géographe quant à la question de la migration, retiendra de sa participation à ce séminaire que l'approche multidisciplinaire est plus que nécessaire pour faire un travail de scientifique sur le phénomène migratoire en Afrique. Les participants se sont donnés rendez dans trois ans pour un autre symposium tout en veillant à mettre en place un pôle d'observation de la migration et d'un site Web regroupant l'ensemble des travaux scientifiques relatifs à la problématique appréhendée par les africains eux-mêmes.