Par : Rachid Hamatou/liberté/ “Pourquoi chercher loin ce que nous avons au creux de la main", nous déclare Ggarib Safia Meriem, deuxième année master littérature et civilisation étrangère, qui a choisi pour son mémoire de fin d'étude, l'œuvre la Grotte éclatée (éditions Sned, 1979) de la talentueuse et grande auteure Yamina Mechakra. Yamina Mechakra, fille de Meskiana et auteure d'un véritable chef-d'œuvre préfacé par Kateb Yacine, décrit dans un récit aussi profond que complexe la vie d'une fille née dans l'abandon, pendant la guerre de Libération nationale. L'histoire se déroule dans une grotte, qui un jour est pulvérisée par une bombe. L'héroïne, se trouvant gravement blessée dans un hôpital en Tunisie, commence à se remémorer les faits de toute une vie, aussi bouleversée que tumultueuse, partant à la quête d'une identité en puzzle. C'est une première au département des langues à l'université de Batna, nous informe Tarek Ben Zeroual, professeur de littérature, mais aussi encadreur de l'étudiante ayant choisi la Grotte éclatée. Il nous dit à ce propos : “Si chez les néophytes et les non-avertis, Yamina Mechakra est presque inconnue, il n'empêche que cette auteure est un monument de la littérature algérienne, certes peu prolifique, mais par ses deux œuvres la Grotte éclatée et Arris -et plus particulièrement par la première- elle a su, et mieux que personne, mettre en valeur et donner de la voix à une littérature orale longtemps marginalisée, voire méprisée." En effet, depuis la nuit des temps, la valorisation de la parole passe par la femme. On ne dit pas langue maternelle fortuitement ! La femme détient une mine d'imaginaire collectif et constitue souvent le pilier de la communauté, de part le lien qu'elle entretient avec le langage, la tradition, l'oralité, etc. Elle est maîtresse de la parole ; elle est la gardienne des traditions et de la mémoire. “Langage pétri dans les tapis, livres ouverts portant l'empreinte multicolore des femmes de mon pays qui, dès l'aube, se mettent à écrire le feu, leurs entrailles pour couvrir l'enfant le soir quand le ciel lui volera le soleil", écrit Yamina Mechakra en page 13 de son œuvre. Dans une poétique de l'identité, Yamina Mechakra, à travers le “je” se veut une porte-parole de la femme, une voix féminine quelque peu maternelle, vacillant entre la soumission et la réelle liberté. Un tourbillon d'identité où la femme est toujours victime : qu'elle soit sage, dévouée, douce, généreuse, elle restera toujours dominée, tyrannisée, battue et violée. À la question s'il existe une écriture “mechakrienne”, Safia Meriem répond par l'affirmative, sans le moindre petit doute. L'omniprésence de la mythologie berbère dans le récit, le sacré et le profane, la fécondité, l'usage de la symbolique et de la parabole, ainsi que le subtil dosage de l'intertextualité donnent un caractère unique et particulier qui distingue l'écrit de Yamina Mechakra.