Parce qu'Israël avait décidé de ne pas reconnaître la compétence de la Cour internationale de justice (CIJ), il n'était donc pas étonnant qu'il rejette l'avis de cette institution qui dit le droit à la demande des Etats ou de l'ONU comme c'est le cas à propos du mur israélien édifié sur les territoires palestiniens. Mais depuis que l'avis a été rendu vendredi, l'on s'interroge, non pas sur la position israélienne, mais bien au contraire sur celle de la communauté internationale, surtout ceux parmi les Etats qui prétendent être les gardiens de la légalité internationale. Là est l'enjeu ou encore le nouveau bras de fer qui crédibilisera les institutions internationales ou confirmera alors bien des accusations. Dans ce contexte, le secrétaire général de l'ONU qui avait dit ce qu'il pensait du projet israélien qu'il avait qualifié de dangereux et d'illégal a souligné hier que tout action entreprise par Israël « doit être prise en conformité avec le droit international ». Pour Kofi Annan, « la décision de la Cour est claire », affirmant que « si nous acceptons tous le fait que le gouvernement d'Israël a la responsabilité, et en fait le devoir, de protéger ses citoyens, toute action qu'il prend doit être en conformité avec le droit international (...) et doit respecter les intérêts des Palestiniens », a-t-il dit. « Et Israël, en tant que puissance occupante, a la responsabilité du bien-être du peuple palestinien », a-t-il ajouté. « Le rapport a été transmis à l'Assemblée générale (de l'ONU) et nous verrons ce qu'ils vont faire », a ajouté le secrétaire général. « Je ne veux pas préjuger de ce qu'ils décideront », a-t-il dit. La CIJ a déclaré vendredi à La Haye illégale la barrière de séparation en Cisjordanie, réclamé son démantèlement et le versement de réparations aux Palestiniens lésés par sa construction. Et comme il fallait s'y attendre, Israël a rejeté hier en termes très durs cet avis, le Premier ministre Ariel Sharon allant dans son délire jusqu'à accuser la CIJ d'avoir « patronné » l'attentat meurtrier de Tel-Aviv. « L'Etat d'Israël rejette totalement l'avis de la CIJ. Il s'agit d'un avis unilatéral, derrière lequel il n'y a que des considérations politiques. Cet avis ignore totalement la raison de la construction de la barrière de sécurité qui est le terrorisme palestinien », a déclaré M. Sharon en ouvrant la réunion hebdomadaire de son cabinet. Dans le même temps Ariel Sharon a ordonné la poursuite de la construction du mur. Bien entendu, cette vision est nettement contrariée, voire démontée systématiquement par la CIJ qui a restitué le conflit palestinien dans le cadre qui est le sien, rappelant que c'est Israël qui occupe et réprime, tandis que les Palestiniens à l'image de l'opération menée en plein cœur de Tel-Aviv, résistent tout en réaffirmant leur disposition à cesser de tels actes si la paix venait à être conclue. Mais pour Sharon cet acte a « été commis sous le patronage de l'avis de la Cour internationale de Justice de La Haye », ce qui constitue une grave accusation. L'attentat à la bombe, qui a fait un tué israélien et 20 blessés, a été revendiqué par les brigades des martyrs d'Al Aqsa, groupe armé lié au Fatah du dirigeant palestinien Yasser Arafat. Refusant de partager cette vision, Sharon, qui fait campagne pour qu'Israël ne perde pas ses soutiens à l'approche d'un débat au sein du Conseil de sécurité considéré par les spécialistes comme le pire scénario, a été jusqu'à dire que « tous ceux qui redoutent que s'étende le fléau du terrorisme doivent aujourd'hui se tenir aux côtés d'Israël et exiger que l'avis immoral et dangereux de la CIJ soit effacé de la face de la terre ». M. Sharon devait tenir dans la foulée la réunion du cabinet des consultations avec le ministre de la Justice, Yossef Lapid, et le chef de la diplomatie, Sylvan Shalom, pour examiner les conséquences pour Israël de l'avis émis par la CIJ, a rapporté la radio publique. Quant à la presse israélienne, elle rapportait l'échec israélien et ce sentiment d'isolement après l'avis de la CIJ considéré comme la décision « la plus dure jamais adoptée contre Israël depuis 1967 ». Comment se comportera le monde après une telle décision qui a rappelé des points de droit et fait l'effort pédagogique pour rappeler au monde tout le mal que certains hommes politiques peuvent faire à des populations entières. Le peuple palestinien est là pour en témoigner.