De son vivant, Ali Zamoum faisait ce constat : « A l'époque, nous nous étions totalement engagés dans la lutte, guidés par les idées de militantisme, motivés et impliqués dans le processus de la lutte pour la libération du pays. Aujourd'hui, alors que les responsables ne s'intéressent qu'à amasser des milliards, nous ne nous sentons pas concernés et ne participons pas à ce qui se trame. » Un jour, alors que nous prenions un café à la maison à Ighil Imoula, il me dit : « Tu sais, j'ai rencontré Boudiaf, président du HCE. Depuis son retour au pays, il voulait me voir. Après m'avoir exposé la situation, il m'a demandé de travailler avec lui dans l'intérêt du pays, comme nous l'avions fait par le passé à la veille du déclenchement armé le 1er Novembre 1954. » Comme j'attendais d'en apprendre plus, il poursuivit : « Avec toi, il n' y a pas de problème, lui ai-je répondu, mais pas avec les autres. » Tout est dit. Je comprenais bien la position et la vision de mon oncle, bien que je m'étais réjoui que Boudiaf l'ai sollicité, comme lui avait été ravi et content d'être allé le voir. Bien avant cette période déjà, Ali a été sollicité par Boumediène juste après le coup d'Etat de 1965. Nana Ouiza, sa veuve, se rappelle de cet épisode, Ali n'appréciait pas tellement la convocation émanant de la Présidence, mais avait tout de même accepté de s'y rendre. De l'entretien qu'il a eu, il lui a rapporté ceci : « Boumediène m'a demandé de le rejoindre pour redresser la situation du pays et bâtir une Algérie nouvelle. « Quoi bâtir alors que ce qui a été construit depuis 1945 a été détruit en un jour ? » « J'ai alors retiré de la poche la carte de moudjahid et l'ai déchirée sous ses yeux. Ne m'appelez plus, lui ai-je dit. Si vous voulez me mettre en prison, je n'ai pas peur, car je viens d'en sortir ; si vous voulez me tuer, vous êtes habitués à cela. » Les militants de la cause nationale étaient de bonne foi, mais depuis l'indépendance du pays, et pour beaucoup d'entre eux, désabusés, meurtris de voir les dérives multiples engendrées par la gestion des affaires de l'Etat, ils se sont attachés à respecter les valeurs humaines enracinées en eux, affirmant leur conviction de rester fidèles aux principes de leur engagement originel, afin de toujours agir dans l'intérêt du pays, aider les citoyennes et les citoyens à retrouver leur dignité, leur statut, leur liberté et leur indépendance. Beaucoup ont effectivement agi selon la conviction qu'il faut toujours rester mobilisé, engagé et impliqué dans/pour les causes justes. Dans cet esprit et selon cette logique, Ali Zamoum notait en août 1992 : « A présent, je suis convaincu de ce que j'ai toujours dit : au moment de partir, on a toujours l'impression de laisser quelque chose d'inachevé, en chantier… C'est vrai que j'ai consacré toute ma vie à ce pays. C'est étrange de penser ça, de le constater et de le dire - sans pudeur - j'ose à peine y croire. Et pourtant. Aujourd'hui, à 59 ans, j'assiste impuissant en spectateur à un affrontement meurtrier entre Algériens qui se disputent le pouvoir en Algérie… Le devenir de ce pays n'est plus entre nos mains. Il ne me reste qu'à en souffrir. » Ali a, pour ceux qui le connaissent, de tout temps, été préoccupé par la souffrance des autres. Jamais guidé par un intérêt individuel, personnel, il a toujours prêté attention à ceux qui souffrent, cherchant à leur apporter soulagement, réconfort, aide, assistance dans la solidarité affirmée et la fraternité retrouvée et réaffirmée. C'est ainsi que tout naturellement, l'association qu'il créa en 1996 avec un groupe d'amis fut dénommée Tagmas (Solidarité-Fraternité) en tamazight. Mais avant cela déjà, il s'est en permanence consacré à soulager la souffrance des autres sans rien attendre en retour, recueillant un orphelin par-ci, accueillant une famille par-là. Foncièrement homme de bien, il n'a jamais recherché l'enrichissement ni poursuivi la notoriété. Au moment de la rédaction de ce texte, me revient à l'esprit le proverbe chinois qui dit : « On ne juge pas un homme sur ce qu'il dit ou pense de lui-même, mais sur ses actes ». La commémoration de son décès survenu le 28 août 2004 et la célébration du 12e anniversaire de la création de Tagmats le 5 septembre 1996 symbolisent au mieux l'homme et son action. « Tagmats ? d'afus deg fus ! La fraternité ? c'est la main dans la main ! » Tout un programme mais aussi et surtout un engagement pour : venir en aide aux personnes économiquement faibles ; aider les malades nécessiteux par la mise à disposition, sous contrôle médical compétent, de produits pharmaceutiques et de matériels médicaux ; assister moralement et matériellement les personnes en détresse et dépourvues de soutien ; C'est par-delà ces objectifs fixés que s'affirment l'engagement des membres fondateurs de Tagmats, leur dévouement et leur abnégation. Depuis sa création, l'association dénommée après le décès de son président fondateur Tagmats Ali Zamoum n'a cessé de poursuivre les objectifs qu'elle s'était fixés, tels que : collecte et distribution aux nécessiteux de médicaments (grâce à la gestion d'une petite pharmacie), de glucomètres à des enfants diabétiques, de lunettes, vêtements, produits alimentaires et articles vestimentaires ; collecte et distribution de livres aux associations, bibliothèques, écoles et lycées ; secours aux personnes âgées abandonnées et prise en charge de malades nécessiteux (consultations médicales, traitement, hospitalisation, etc.) ; transport par ambulance (don du CHU de Grenoble), aujourd'hui vétuste (datant de 1987) ; mise à disposition de fauteuils roulants matelas anti-escarres ; assistance au centre psychopédagogique de Boghni ; - développement d'un partenariat avec ‘‘Espoir pour un enfant-Montpellierles apatrides'', comme on les appelait curieusement, servaient, en fait, de système d'alarme automatique aux habitants' qui a abouti à la prise en charge en 2005 et 2006 de deux enfants malades ; assistance aux populations touchées par le séisme de Boumerdès (2003) et Laâlam (2006) ; engagement d'actions de solidarité envers l'hôpital de Boghni (2005), du centre d'accueil de Yakourène (2006), d'une famille de handicapés à Draâ El Mizan (2007) ; lancement d'un centre de santé à Hallouane, aujourd'hui en attente de fonctionnement. C'est en reconnaissance à l'engagement de son président fondateur que l'association Tagmats a institué depuis 2005 le prix du mérité Ali Zamoum qu'elle attribue chaque année à des personnes ou groupe de personnes qui se distinguent par des actions de solidarité envers les plus démunis, les nécessiteux. Ali Zamoum repose au carré des Martyrs de Tizi Ntléta et son œuvre se poursuit à travers toutes celles et tous ceux qui restent engagés par des principes militants pour des valeurs nationales. L'auteur est le neveu de Ali Zamoum- Août 2008