Fathi, 23 ans, est « garé » contre un mur de l'une des artères commerçantes de Bab El Oued. D'une voix à peine audible, le visage buriné par le soleil et le jeûne, il nous demande « alf frank », « 10 DA yarhame el walidine ». Fathi a un fort accent de l'Ouest. De fait, il nous confie qu'il est originaire de Sidi Bel Abbès. Fathi est habillé comme n'importe quel jeune : en jeans, t-shirt et baskets, un sac en plastique contenant quelques effets personnels pendant à la main. Fathi mendie debout. Par dignité. Il n'a pas de sébile entre les jambes et ne connaît guère les jérémiades et autres formules imprécatoires propres aux mendiants de métier. Son récit est celui de milliers de SDF dont nous ne mesurons pas la solitude, quelque sincère que puisse être notre compassion. « Je suis venu ici depuis quelques jours chercher du travail. Là-bas, à l'Ouest, il n'y a rien. J'ai sillonné Oran, Saïda, ma kan walou. Je suis déjà venu à Alger. J'ai travaillé comme garçon de café, dans des restos aussi, dans des chantiers, cette fois, meyta, c'est mort. Je mange dans un "mataâm errahma" (resto du cœur) à Sahat Echouhada et je crèche dans les jardins avec deux gars de mon patelin. » Fathi est déçu de trouver Alger si peu hospitalière. Il dit que les Algérois sont parfois durs et agressifs. Il ne s'attendait pas à trouver une telle concurrence dans le chômage. « Les Chinois ont pris tous les chantiers. Ils doivent se doper », lance-t-il sans penser à mal. Fathi n'entend pas terminer le Ramadhan à Alger : « Je ne passerai pas l'Aïd ici. Je retourne dans mon patelin auprès des miens. »