Depuis le début du Ramadhan, la télévision algérienne, dans son journal de 20 heures, inflige aux téléspectateurs algériens des comptes rendus-fleuves sur les auditions des membres de l'Exécutif par le président Bouteflika. Aucune image de ces épreuves orales auxquelles les ministres sont soumis n'est diffusée par l'ENTV. La façon dont la télévision se fait l'écho de ces rencontres en assénant les chiffres et les performances – surtout – des secteurs passés au crible sous la forme d'un audit, outre son aspect rebutant au plan de la communication, laisse les citoyens et les téléspectateurs sur leur faim. C'est toute la crédibilité de ce genre de rencontres qui s'en trouve, du coup, affectée par le style peu conventionnel imprimé à ces auditions. L'absence de transparence entourant ces réunions qui ne sont pas prévues dans l'organigramme portant organisation et fonctionnement de l'Etat, un déficit alimenté par une censure inexpliquée de l'image, a poussé d'aucuns, habités par le doute, à s'interroger sur le fait de savoir si ces audiences présidentielles ont bien lieu. Autrement dit, s'il ne s'agit pas de rencontres virtuelles. Pour les Algéro-sceptiques, les communiqués de la présidence de la République ne sont pas une preuve suffisante pour convaincre du contraire. Alors, ces auditions de ministres par le président de la République entrent-elles dans le cadre routinier des activités et de l'agenda de Bouteflika ou bien alors charrient-elles des messages politiques que le chef de l'Etat et ses conseillers cherchent à faire passer en direction de l'opinion publique ? Ces rencontres ressemblent à s'y méprendre à des réunions de Conseils des ministres sans la présence du chef du gouvernement, premier responsable de l'action du gouvernement. Une présence qui aurait poussé les ministres, pour ne pas gêner leur « patron », à une certaine retenue dans leur présentation des bilans de leurs secteurs respectifs. D'où l'intérêt de savoir pourquoi le chef de l'Etat bouscule-t-il ainsi les règles de fonctionnement des institutions en piétinant les plates-bandes du chef du gouvernement ? Le tête-à-tête avec les ministres est-il perçu par le chef de l'Etat comme un moment d'extrême vérité, une espèce de confessionnal destiné à prendre connaissance des péchés de gestion des ministres et, d'une manière plus générale, de l'état réel de la conduite des affaires de l'Exécutif que l'on prendra soin, par ailleurs, de ne pas rendre public pour ne mettre en valeur que les aspects positifs des bilans ? Car le bilan du gouvernement n'est-il pas aussi celui du chef de l'Etat ? Pour d'autres observateurs, ces réunions-marathons programmées un mois de Ramadhan où l'activité générale du pays, y compris institutionnelle, fonctionne traditionnellement au ralenti, n'ont d'autre objectif que de montrer que le chef de l'Etat vaque normalement à ses activités, voire même s'investit plus que d'habitude. Dans l'entourage du Président, on espère que les citoyens et les électeurs se souviendront de ce sacrifice le moment venu.