Président du comité des sages d'El Atteuf, Hadj Mohamed Mohamed annonce dans cet entretien le dépôt d'une plainte contre x pour situer les responsabilités dans cette catastrophe qui a emporté des dizaines de vies humaines. Trois jours après la catastrophe, qu'en est-il de la situation ? D'abord il faut préciser qu'El Atteuf est la commune la plus pauvre de Ghardaïa ; la population estimée, selon nos calculs, à 18 ou 19 000 habitants, vit sur les deux rives de l'oued. Entre 800 et 1000 maisons et des dizaines de commerces ont été détruits, alors que toutes les canalisations des eaux usées ont subi des dégâts. De nombreux établissements scolaires, notamment des collèges et le seul lycée de la commune – dont le taux de réussite a toujours été élevé par rapport au niveau national – ont été dévastés. Vous remarquerez que même les autorités ont construit sur des zones inondables. Comment les autorités ont-elles permis la construction d'infrastructures aussi importantes sur des zones inondables ? Nous avons décidé d'ailleurs de porter plainte contre x afin que chacun soit mis devant ses responsabilités. Ces morts sont sur la conscience de ceux qui ont permis de mettre en danger la vie humaine. Je ne dis pas qu'il faut pénaliser les jeunes qui n'ont pas les moyens de construire des maisons. Mais il aurait fallu les aider à ériger des toits à des prix raisonnables sur la roche, là où aujourd'hui le prix du mètre carré dépasse celui des terrains à Hydra. Néanmoins, ce qui nous a choqués le plus, c'est que les autorités n'ont même pas pris la peine de rendre visite aux sinistrés et de constater les dégâts sur place. Tous les réseaux électrique, gazier, d'eau potable et de télécommunications sont paralysés. Etant donné que notre communauté est bien organisée, nous avons réquisitionné 250 jeunes pour assurer la sécurité des biens et éviter les pillages. Ils ont d'ailleurs arrêté deux pilleurs en flagrant délit et les ont remis à la Gendarmerie nationale. Des commissions de sécurité, de nourriture, de santé, d'habillement, d'assainissement ont été mises en place pour s'occuper des aides pour chaque secteur dont elle est en charge. Cela fonctionne très bien et a permis de bien organiser les opérations de collecte et de distribution de l'aide aux sinistrés, notamment durant les premiers jours de la catastrophe. Face à cette situation, qu'en est-il des opérations de secours et de l'aide de l'Etat ? Nous avons pris en charge la population grâce à l'élan de solidarité de la communauté. Des appels ont été lancés à travers la radio locale, mais aussi par le bouche à oreille, partout à l'échelle nationale. Dieu merci, la réponse a été rapide et les aides sont arrivées moins de 24 heures après, pour être distribuées sur le champ. Pour ce qui est des secours, ce sont les citoyens qui ont assuré le sauvetage et les évacuations. Les agents de la Protection civile ont tout fait, mais ils étaient démunis de moyens. Ils travaillaient à mains nues, comme nous. Nous avons fait appel à tous nos médecins qui sont venus de toutes les régions du pays. Ils assurent la prise en charge sanitaire. Pour la journée de vendredi seulement, ils ont accompli 150 interventions. D'un autre côté, plus d'une vingtaine de motopompes ont été distribuées par des privés aux sinistrés pour évacuer l'eau de leurs caves. Nous avons vu les hélicoptères survoler la ville, mais ils n'ont même pas sauvé les personnes qui criaient à l'aide, accrochées aux palmiers ou entassées sur les terrasses. Certains hélicoptères, par le bruit et le vent qu'ils provoquaient, ont fait tomber les citoyens des palmiers et s'effondrer des maisons lourdement affectées par les eaux. C'est aujourd'hui que les gros engins de l'armée sont entrés en action pour déblayer les routes et créer des accès aux zones sinistrées. Jusqu'à maintenant, l'Etat ne nous a pas impliqués dans la distribution de l'aide.