Me Boudjemaâ Ghechir, président de la LADH, anticipe et prévient, dans une lettre ouverte, le Président concernant la crédibilité des bilans devant lui être présentés et qui, selon lui, évalueront les réformes à travers le nombre d'affaires traitées, la qualité des parterres en marbre placés dans les tribunaux et les meubles des bureaux des juges, au lieu de s'intéresser à la qualité des jugements et à leur impact sur l'équilibre de la société. Il considère aussi que « la réforme de la justice n'a pas été placée dans le cadre de celle de l'Etat et la reformulation de son rôle au sein d'une société démocratique et plurielle. La justice est toujours exercée comme fonction malgré le fait qu'elle soit reconnue par la Constitution comme un pouvoir ». Le juge exerce ses missions, selon la ligue, dans des conditions où se rejoignent pressions et influences. Il rend des comptes pour la quantité de dossiers dont il a la charge, ce qui le place toujours en conflit avec sa conscience et ses responsables directs et indirects. « On remarque que les instructions du ministère de la Justice dominent les codes de procédure », lit-on à ce sujet. Poursuivant la critique des réformes, la LADH attire l'attention du Président sur le fait que les juges sont obligés de « liquider » les dossiers en l'absence du minimum de garantie d'un jugement équitable, ajoutant que « certains ont calculé que le temps réservé à chaque dossier ne dépassait pas une minute ». Les réformes se sont concentrées sur l'appareil judiciaire en faisant l'impasse sur sa relation avec les cadres politique, social et économique, d'où une impuissance à répondre aux exigences de l'heure, à savoir l'établissement d'un Etat de droit et souverain, fait remarquer encore la ligue, qui estime que « les jugements sont prononcés au nom du peuple, alors que le peuple se considère étranger à ces mêmes jugements », avant d'appeler le président de la République, en tant que premier magistrat et protecteur de la Constitution, à sauver la justice et en faire une base pour la construction de la démocratie et de celle d'une société juste et stable.