Les cours du pétrole continuaient hier leur chute libre : ils ont effleuré les 50 dollars le baril jeudi à Londres, avant de connaître une légère remontée suite à l'annonce de la réunion du Caire. Le baril de light sweet crude s'échangeait hier à New york à 55,66 dollars. Cet effondrement subit du marché pétrolier n'a pas laissé inactive l'Organisation des pays exportateurs de pétrole (OPEP). Ses ministres tiendront une réunion extraordinaire le 29 novembre prochain au Caire pour tenter de redresser la barre. La décision de réduire la production OPEP de 1,5 million de barils par jour, lors de la réunion de Vienne le 24 octobre dernier, n'a pas eu l'effet escompté. S'il est vrai que l'on cite parmi les raisons de ce spectaculaire retournement du marché la cherté des prix du pétrole, le ralentissement de l'économie mondiale et la crise financière qui a entraîné un retrait massif des acteurs spéculatifs, il est aussi juste de dire que les divergences et les querelles entre les membres de l'Organisation – le jeu trouble de l'Arabie Saoudite qui a refusé de se plier aux décisions prises à Vienne – ont agi très négativement sur l'évolution des cours. Très fébrile et méfiant, le marché a vite compris que les membres de l'OPEP, du moins certains d'entre eux, étaient incapables de tenir leurs promesses et d'appliquer des décisions prises en commun accord. Il n'a, par contre, pas manqué de frémir suite à la publication, mercredi dernier, du rapport d'octobre de l'Agence internationale de l'energie, qui a abaissé sa prévision de croissance de la consommation en pétrole : pour 2008 elle n'en prévoit qu'une infime augmentation de 100 000 barils/jour, suivie d'une croissance, jugée elle aussi minime, de 400 000 barils/jour en 2009. Le rapport du département d'Etat américain de l'Energie en rajoute une couche en révélant jeudi une baisse de 6,6% de la consommation des produits pétroliers sur un an. A la lumière de cette multiplication de signaux négatifs au marché de l'or noir, les économistes se demandent jusqu'où ira l'effondrement des cours du brut. Les prévisions sont alarmantes. « D'autres baisses des prix, jusqu'à même 30 dollars le baril, sont envisageables dans les prochains mois », estime Julian Jessops, du cabinet Capital Economics. C'est assurément le cauchemar de 1998 que les pays membres de l'OPEP redoutent. En convoquant précipitamment hier une réunion extraordinaire de leurs ministres, ils veulent riposter à l'effondrement des prix du pétrole et ce, avant la réunion ordinaire de l'organisation le 17 décembre prochain à Oran. Pour avoir négligé la crise asiatique et mis beaucoup de temps à réagir à la baisse des cours du pétrole, l'Organisation avait laissé le prix du baril dégringoler jusqu'à 10 dollars. Ce sont ces erreurs que l'OPEP voudrait éviter. Mais en sera-t-elle capable ? L'Arabie Saoudite, qui entend bien porter le plafond de sa production à 12 millions de barils/jour et peu soucieuse de l'application des décisions prises avec ses partenaires, reviendra-t-elle à la raison en mettant un peu en avant l'intérêt commun et en refusant aussi de céder aux pressions extérieures dont n'a manqué de parler le président en exercice de l'OPEP, Chakib Khellil, ministre de l'Energie et des Mines ? Autant de questions qui se posent, en effet, sur la parade qu'auront à choisir les membres de l'Organisation pour contrer les effets produits, entre autres, par la contraction de la demande mondiale en pétrole due à la récession. Dans le cas ou le royaume wahabite refuse toujours de se soumettre aux décisions, les pays membres de l'OPEP seront-ils amenés à tenir compte la donne saoudienne, en faisant l'effort supplémentaire de prendre à leur compte la réduction que devait consentir ce premier pays producteur du brut ? Le signal vient de l'Iran qui, par le biais de son représentant auprès de l'OPEP, a soutenu hier une baisse de la production. Seulement il faut signaler, disent les spécialistes, que les réductions décidées en 2001 et 2002 n'avaient porté leurs fruits qu'en 2004. Mais cette année-là, il y avait une autre conjoncture financière et économique mondiale. Les prix du brut obéissaient au yoyo traditionnel de l'offre et de la demande. Cette fois, il y a en prime la crise financière et la récession économique qui frappent aux quatre coins de la planète.