L'espace Noûn a accueilli la psychanalyste et psychiatre, Alice Cherki, pour une vente-dédicace de son livre intitulé La frontière invisible, violences de l'immigration, publié en 2006 par les éditions Eléma. Ce livre a obtenu, l'année dernière, le prix Œdipe. Après plusieurs conférences à Alger, Alice Cherki a fait une dernière escale à l'espace Noûn avant de s'envoler vers Paris. Au cours de la vente-dédicace, l'auteure s'est prêtée volontiers aux questions d'un public assez nombreux. Avec un large sourire, Alice Cherki n'a pas été avare en explications. D'emblée, elle a tenu à nous préciser que La frontière invisible, violences de l'immigration n'est pas un roman mais un essai. Il s'agit du fruit d'un travail de sa pratique psychanalytique. « C'est, dit-elle, une alliance entre ses méconnaissances et ses connaissances des sociétés. » A travers son volumineux livre, elle a essayé de mettre en perspective une question assez cruciale de la Méditerranée. En effet, elle a posé la problématique de l'évolution de la personnalité des générations, ses effets, les silences faits sur l'histoire et montrer les violences des guerres. L'enfant, explique-t-elle, se construit avec des sensations et des paroles. Il est obligé de se construire. « Le développement consiste à se séparer de l'origine et d'accepter la différence entre les deux sexes opposés. » La psychanalyste a tenté d'élucider certains points de l'œuvre analytique qui n'ont pas été tranchés et qui peuvent conduire à l'exclusion de tout ce qui est l'« autre », différent culturellement, historiquement et biologiquement. Alice Cherki nous livre des témoignages analytiques de certains patients qu'elle a reçus dans son cabinet. La plupart d'entre eux ont été confrontés aux questionnements sur l'origine et l'identité qui les ont enfermés dans la honte et les ont assignés à être hantés par les fantômes de leurs ancêtres massacrés lors des guerres et des génocides. En conclusion, Alice Cherki est convaincue que « la logique binaire » et « la silenciation » de l'histoire sur tous les drames, les traumatismes et les souffrances de l'humanité vont engendrer « les impasses, celles de l'exil, la place de l'étranger, l'exclusion du féminin engendrant la violence et la mort ». Alice Cherki n'accorde pas d'importance aux distinctions décrochées. « Il s'agit, dit-elle, d'une reconnaissance. Je recherche les choses qui me permettent de réfléchir et de travailler. » Alice Cherki est née à Alger. Elle a opté pour la médecine. Elle effectuera son internat en 1955 à l'hôpital ex-Joinville de Blida où exerçait une équipe de psychiatres anti-raciste et anti-coloniale, dont Frantz Fanon. En 1957, elle retrouve Frantz Fanon à Tunis. Aux côtés de cet illustre personnage, elle apprendra à soigner les Algériens et les Tunisiens. A l'indépendance de l'Algérie, elle travaille au niveau de l'ex-Ermitage, actuellement Drid Hocine. En 1965, elle décide de s'exiler en France. Elle glissera d'abord vers la transmission théorique de la psychanalytique avant de se consacrer, depuis 1965, à la pratique psychanalytique et à sa transmission.