La légende raconte qu'une joueuse de l'imzad a fasciné par son jeu un lion. Le son magique et ravissant de l'instrument a eu de l'effet sur le redoutable roi des animaux qui, dans un geste d'admiration, s'assit devant la joueuse et l'écouta. « Soudain, une vache apparaît et l'animal retrouve son instinct de prédateur. Il chassa la vache et l'offrit à la joueuse en guise de reconnaissance. En fin de journée, les gens du village arrivèrent les bras chargés du nécessaire pour l'enterrement de la joueuse. Grande fut leur surprise lorsqu'ils virent la spécialiste de l'imzad affairée à griller la viande que lui proposa le lion », nous conte Brahim Belkheir grand interprète de l'imzad afin d'illustrer la grande valeur de cette musique reçue en héritage de génération en génération et ce, depuis des milliers d'années. El Hadj Brahim évoque avec nostalgie le temps où il accompagnait dans les fêtes El Hadja Terza, doyenne joueuse de l'imzad à Djanet. Une espèce en voie d'extinction, les grandes joueuses de l'imzad se comptent sur les doigts d'une seule main et la problématique de la transmission de leur savoir-faire se pose entièrement. El Hadja Terza, née en 1922, a arrêté de jouer depuis que son corps n'obéit plus à son génie artistique. Assise dans son bel ensemble à la couleur du printemps, El Hadja Terza à l'hiver de son âge n'a pas perdu de sa prestance digne des grandes dames de la musique. Entourée de ses petites-filles et nièces, la grande dame de l'imzad est silencieuse et offre l'image d'une femme sage en digne joueuse de cet instrument qui renvoi à la majesté du désert et son mystère. Sa relation avec cet instrument unique est telle qu'il s'est arrêté d'émettre des sons depuis le jour où sa dompteuse s'est arrêtée de jouer. « Elle n'aime pas qu'on le touche, c'est son bébé, elle le garde précieusement », nous confie sa nièce au sujet de l'instrument précieux que Terza était seule à pouvoir réparer. « Ma mère m'interdisait de jouer quand j'étais enfant, mais j'ai fini par apprendre toute seule, il me fascinait tellement », nous dit Terza en langue tamahaght. Pour nous témoigner sa joie de nous recevoir, El Hadja, malgré le poids de ses 86 ans, a pris la peine de jouer un peu de son instrument fétiche. Même si l'instrument est un peu fatigué, le jeu de Terza, lui, est resté bel et bien intact. « Puisque ma grand-mère n'a plus la force de nous apprendre à jouer, je vais essayer de prendre des cours chez une autre joueuse d'imzad qui est à Iberber à quelques lieux d'ici », nous dit une des petites filles qui espère un jour devenir aussi grande joueuse que sa grand-mère. « J'ai appris trois airs seulement que grand-mère jouait, j'aimerais bien en apprendre davantage. Mais elle est malade », nous dit-elle peinée. La dompteuse de l'imzad n'a plus la force d'enseigner à ses petites-filles cette musique qu'elle a tant aimée, mais elle a semé en elles cette graine de fascination pour l'imzad qui un jour leur donnera tous ses secrets pour garder vivante encore longtemps cette musique ancestrale.