Dans quelles conditions exercent les photographes de presse en Algérie ? La réponse s'est faite dans un grand déballage abrité hier par la Bibliothèque nationale à Alger (BN) à l'initiative de la Coordination des reporters photographes, affiliée au Syndicat des journalistes algériens (SJA), créée en février 2004. « Nos photos sont volées, exploitées, revendues ; nos droits sont bafoués », a lâché pour l'introduction le représentant de la coordination. Intitulée « Propriété intellectuelle et droits d'auteur des photographes de presse », la conférence devait se dérouler en présence « de responsables de l'Office des droits d'auteurs (ONDA), de responsables et de directeurs de médias » qui n'ont pas fait le déplacement. Seuls les membres de la coordination et le secrétaire général du SJA ont animé le débat. Abdennour Boukhemkhem, préoccupé par « casser des tabous », a insisté sur le fait que « la cession d'exploitation (d'une photographie) doit obéir à un contrat », en citant « des groupes de presse, où une photographie alimente deux ou trois journaux, sans que l'auteur ne soit rétribué en conséquence. Parfois, ces photographies ne sont pas signées ». Selon lui, les contrats de travail, quand ils existent, liant les photographes de presse aux employeurs, ne prennent pas en compte le volet de la propriété intellectuelle. « Quand on vous engage (dans un média), vous sortez faire vos photos, vous laissez vos négatifs au journal et vous allez vous coucher », a résumé, pour sa part, un photographe indépendant qui a fait sa révolution. Cela n'a pas empêché certains de faire acte d'allégeance aux organes qui les emploient et où ils s'estiment pleinement satisfaits. Car détenir un simple contrat de travail et bénéficier d'une assurance fait figure de sésame dans un environnement où les malchanceux sont légion. Le témoignage d'une photographe est à ce point de vue éloquent. Partie en mission pour un journal qui ne paraît pas, elle a été victime d'un accident de voiture. A son retour, l'employeur, d'après elle, a nié les avoir envoyés « quelque part ». Elle a reconnu son tort de ne pas avoir sollicité un quelconque papier à son verbal employeur. La rencontre d'hier s'est déroulée dans une grande effervescence qui n'a pas laissé l'assistance de marbre. La chargée des affaires culturelles de la BN, grisée par le débat, a même tenu à intervenir en fin de séance en conseillant aux photographes de se pencher sur leur « statut ». La Coordination des reporters photographes a annoncé que des recommandations seront adressées aujourd'hui aux directeurs de presse. Suffiront-elles pour que ces derniers reconsidèrent dans l'ensemble leurs rapports avec les hommes et femmes aux boîtiers ?