Que sait-on aujourd'hui à Aïn Témouchent à propos de Saïda ? Presque rien, hormis les plus âgés qui se rappellent d'elle du temps, celui d'avant le découpage administratif de fin 1985, où elle avait une profondeur géographique avec un prolongement en son sud comprenant les actuelles wilayas d'El Bayadh et de Naâma. L'on connaît la diversité caractérisant cette ancienne wilaya qui rognait alors sur le Tell et le Sahara et s'étalait sur les vastitudes des Hauts-Plateaux. On se rappelle, plus particulièrement, du MCS du temps de Zimmerman, de Saïd Amara pour ce qui est du foot, du Prolet Kult pour ce qui est du théâtre ainsi que de cheikha Djenia et de cheikh Boutaïba. Pour les plus jeunes, on sait surtout que c'est le pays de cheb Mami. Mais qu'en est-il au fond aujourd'hui, alors que cette wilaya s'est réduite à une trentaine de kilomètres de RN le long desquels s'est agglomérée l'écrasante majorité de sa population ? La Semaine culturelle de Saïda est venue combler les lacunes et dire une diversité encore intacte même sur une portion de territoire réduite. Les cavaliers et leur baroud d'allégresse étaient là, les karkabous, les danseurs de allaoui avec cette différence que leur danse est chorégraphiée pour raconter le travail de la terre. Il y a une exposition pas aussi étoffée qu'il aurait été souhaitable, mais qui dit tout de même l'essentiel d'une histoire qui remonte aux balbutiements de l'humanité, qui traduit le présent et rapporte des us, un artisanat, un art culinaire ainsi que des costumes traditionnels encore en usage. Et puis, il y a, en mention spéciale, ce chanteur du groupe El Moustaqbal, Zine Benaïcha, qui a pris aux tripes les spectateurs lors de l'ouverture officielle. Il avait entonné le déchirant Saïda b'ida oual machina ghadia (Saïda est lointaine et le train rebrousse chemin), un fameux raï trab regorgeant d'authenticité. Taïbi Mohamed, le directeur de la culture de Saïda, nous a assuré qu'il s'agit bien de « machina ghadia » et non « ghalia », comme cheikha Rimiti l'avait popularisé. L'auteur du poème, cheikh Zerouil, vit encore. Il a 94 ans. Sa première interprète fut cheikha Rahma, une Saïdienne. La qacida raconte la détresse de l'auteur débarqué d'un teuf-teuf qui l'avait emporté de sa reculée Saïda, un train qu'il voit repartir, lui, l'enrôlé d'office que doit emporter un bateau sur les champs de bataille de la Seconde Guerre mondiale.