L'ambassade d'Espagne et l'Institut Cervantès d'Alger, en collaboration avec le ministère de la Culture, ont organisé, à la Bibliothèque nationale d'El Hamma, à Alger, une conférence annuelle sur Miguel Cervantès. Cette rencontre, intéressante à plus d'un titre, a vu la participation de spécialistes algériens et étrangers, dont l'hispaniste japonais, Norio Shimizo, et les professeurs algériens, Mohamed Salah Mounir et Chakib Benafri, modérée par l'écrivaine Adriana Lassel. Dans son intervention, l'académicien japonais a mis l'accent sur l'universalité du «Quichotte» et sur ses années à Alger dans un enrichissant dialogue avec l'hispaniste algérien. Le conférencier indique que Miguel Cervantès était à son époque non seulement un écrivain mais également un soldat, ayant participé à la bataille de Lépante. En effet, Cervantès a participé à la bataille de Lépante en 1571, où il a perdu sa main gauche. Cette main paralysée lui valut le surnom de «manchot de Lépante». A son retour d'Espagne, le 26 septembre 1575, il est capturé par les barbaresques avec son frère Rodrigo. Malgré quatre tentatives d'évasion, il reste captif à Alger. En 1580, il est racheté en même temps que d'autres prisonniers espagnols et regagne son pays. Le professeur Norio Shimizo note que le captif Cervantès disposait d'une certaine liberté, puisqu'il pouvait se promener librement à Alger et entretenait des contacts avec les différentes couches de la société algéroise de l'époque. Il entretenait, également, des correspondances avec Don Juan d'Autriche et avec le duc de Sessa. Si Cervantès estimait que sa captivité était des plus enrichissantes, il n'était cependant pas satisfait de sa situation d'esclave «Il avait rêvé, indique Norio Shimizo, d'une Espagne libre, mais il était conscient que c'était une Espagne d'inquisition». La théâtralisation est fictive dans l'œuvre cervantine. Pour Cervantès, une œuvre théâtrale n'est pas le reflet de la réalité. Norio soutient que la comédie n'est qu'une représentation de la vérité. Il est convaincu que Miguel Cervantès est allé jusqu'au fond du monde islamique. L'expérience de l'auteur de Don Quichotte en Algérie est jugée très positive, avec notamment un nouveau regard sur l'homme. De son côté, l'hispaniste Chafik Benafri s'est penché dans sa communication sur la thématique «Alger à l'époque de Cervantès». L'orateur indique que Cervantès, à son arrivée à Alger, a été marqué par le multiculturalisme de la ville, qui accueillait une population mitigée, faite de Turcs, de Berbères, de chrétiens, de juifs, de renégats et de captifs chrétiens. «Je pense, soutient-il, que c'est cette vision qui forgera la vision du monde de Cervantès, sachant qu'à la même époque, l'Espagne était sous la domination de l'Inquisition». Si des statistiques fantaisistes sur la pratique de l'esclavage ne cessent d'engendrer des polémiques entre chercheurs, le professeur Chafik Benafri rappelle que le nombre d'esclaves décrits (25 000) dans les documents officiels turcs de l'époque, comme étant des «captifs de l'Etat, peuvent être mis en parallèle avec l'évolution du rôle d'Alger pour l'Empire ottoman, mais aussi des techniques utilisées par les marines militaires». Le troisième intervenant, à savoir le professeur algérien Salah Mounir, a axé son intervention sur les différentes traductions de Don Quichotte en langue arabe, effectuées tout au long du 19e siècle. L'universitaire note que la trajectoire de Cervantès a été influencée par les lettres et par les armes. Selon lui, Cervantès était un monstre de la littérature. «Cervantès est à l'origine du nouveau roman moderne. Il a démontré qu'il était un grand humaniste. Il a fait prévaloir sa force d'esprit», conclut-il. Il est à noter, par ailleurs, que cette première conférence n'est que le prélude à une série d'autres rencontres qui seront programmées prochainement à Alger.