Le violeur avait un casque bleu. C'est ce dont se souvient Hélène, jeune écolière congolaise d'une dizaine d'années. Affamée, lorsqu'un soldat de la Mission de l'organisation des Nations unies (Monuc) en République démocratique du Congo (RDC ex-Zaïre) lui propose une tasse de lait, elle accepte sans hésiter. Et sans penser que cet homme, censé la protéger, abusera d'elle une fois la tasse vidée... Le cas d'Hélène n'est pas isolé. Un rapport interne des Nations unies, rendu public vendredi dernier, accuse plusieurs membres de la Monuc d'être responsables d'abus sexuels sur des femmes et des mineures, dans le nord-est de la RDC. « Nous avons eu et continuons à avoir un sérieux problème d'exploitation et d'abus sexuels », a reconnu ce même jour, lors d'une conférence de presse, William Lacy Swing, l'émissaire spécial du secrétaire général de l'Onu au Congo. Le rapport indique que des « contacts sexuels » entre certains casques bleus et des jeunes Congolaises, âgées de 12 à 18 ans, ont eu lieu « fréquemment », « souvent en échange de nourriture ou de petites sommes d'argent », ne dépassant pas les 5 dollars. L'enquête a été réalisée à Bunia, entre mai et septembre 2004. Elle a porté sur 72 cas d'accusation - dont 20 ont été retenus (les autres ont été classés sans suite) - et met en cause des personnels civil et militaire de l'Onu. Leurs nationalités n'ont pas été révélées, mais, selon des sources officieuses citées par Le Monde, les militaires accusés seraient originaires du Malawi, d'Afrique du Sud, du Maroc, d'Uruguay, de Tunisie, du Pakistan et du Népal. Parmi les civils : un Australien et un Français. Celui-ci, qui travaillait à Goma, a d'ores et déjà été renvoyé dans son pays où il fait l'objet de poursuites. Victime de ce sordide scandale qui entame sa crédibilité, l'Onu ne fait pas mystère de son impuissance : incompétente à rendre la justice elle-même, elle doit s'en remettre aux Etats membres. Or, les militaires accusés d'abus sexuels sont rarement poursuivis dans leur pays. On se souvient d'un casque bleu marocain qui avait violé une fillette de 6 ans à Goma, en 2002, et n'avait pas été inquiété. Pis, le rapport relève un « sentiment d'impunité », indiquant que l'enquête n'a pas eu l'effet dissuasif escompté. Les abus ont continué pendant cette période et les commandants de certains contingents auraient tenté d'entraver le travail des enquêteurs. La Monuc compte quelque 11 000 hommes déployés en RDC pour faire appliquer l'accord de paix signé en 2002. Ils sont appuyés par 2500 civils. La guerre, qui a débuté en 1998, a déjà fait plusieurs millions de morts. En ajoutant un peu plus à l'horreur, certains soldats de la paix font honte à leur mission.