Les participants à la conférence régionale sur l'abolition de la peine de mort ont, dans leur majorité, mis l'accent sur l'avis de la société civile sur la question. Au deuxième et dernier jour de cette rencontre organisée à Alger par la Commission nationale consultative de promotion et de défense des droits de l'homme (CNCPPDH), les débats ont permis de dévoiler les réalités des lois de certains pays arabes, notamment ceux représentés à cette conférence. Rezak Ben Makboul, d'Arabie Saoudite, a expliqué que la réforme pénale doit être centrée sur le respect des normes d'équité dans les procès, parce qu'« il est souvent difficile pour les juges de prendre de telles décisions ». Selon lui, il est préférable de poser la question de l'abolition de la peine de mort ou pas à la société civile. « La conception de la peine capitale dans l'Islam est un sujet sensible. Tout comme la vie n'appartient qu'à Dieu, la mort aussi ne peut être décidée que par Dieu », a-t-il déclaré, en précisant qu'il ne faut pas lier l'abolition de la peine capitale au développement économique, estimant que « les lois sont généralement liées à l'évolution des sociétés ». L'ex-député Mohamed Arslane est revenu sur le processus d'abolition de cette peine, à travers le monde, en disant que 92 pays ont déjà supprimé la condamnation à mort de leur législation, 35 l'ont abolie sans supprimer des textes et 137 l'ont abolie dans les lois et l'application. Cependant, les pays arabes recherchent encore, a-t-il souligné, un consensus autour de ce sujet : « La volonté de la supprimer existe, mais il reste à trouver comment allier celle-ci avec l'avis de la société. » Mais l'intervention de Tahar Boumedra, directeur régional de l'ONG Penal Reform, va resituer le débat et susciter de vives réactions. Il a estimé que l'abolition de la peine capitale a un lien direct avec le développement humain, expliquant que le fait d'avoir des autoroutes, des grandes constructions et des installations modernes, ne veut pas dire être développé. L'Arabie Saoudite, où existent des infrastructures modernes, ne dispose pas de code pénal qui oriente les juges dans leurs décisions. Ces derniers ont le pouvoir de décider sans se référer à aucun texte. Ce qui est inacceptable. Ce n'est que récemment, après l'affaire des Britanniques arrêtés dans le royaume pour trafic de drogue, et sous la pression de la Grande-Bretagne, que des lois sont décrétées, mais par le roi. T. Boumedra a regretté la position du Maroc qui, selon lui, est le pays qui compte 365 crimes pour lesquels il est prévu la peine de mort, et ce, en dépit de l'avancée du débat sur le sujet au sein de la société. Pour ce qui est de la Jordanie, a-t-il noté, il existe encore deux lois, « celle des tribunaux et celle des tribus. Le condamné à mort qui a la chance d'avoir de puissantes tribus derrière lui n'a qu'à s'acquitter d'une fidya (une dîme) pour bénéficier de la grâce, alors que les pauvres sont automatiquement exécutés ». Des révélations qui ont fait réagir les concernés. Le représentant de l'Arabie Saoudite a répondu que son pays a une législation qui a pour nom « loi des plaidoiries pénales », alors que le représentant de la Jordanie a plutôt parlé de malentendus mais en donnant des chiffres éloquents. Ainsi, 51 peines de mort sur les 80 prononcées ont été exécutées en Jordanie entre 2000 et 2006, a indiqué Me Nesrine Zarikat, membre du Conseil national jordanien des droits de l'homme. A signaler que les participants ont adopté une déclaration concernant la Palestine, dans laquelle ils ont exhorté les organismes des droits de l'homme onusiens à déclarer les massacres israéliens à Ghaza comme des crimes de guerre et crimes contre l'humanité.