A deux enjambées de la ville de Blida, sur les premiers contrebas de l'Atlas Blidéen, se sont implantées peu à peu, à partir de la fin des années 1960, les premières habitations de la cité Ben Achour. Quelques décennies plus tard, une mégabourgade s'est formée. Elle s'étire à partir de la départementale reliant Ouled Yaïch au centre-ville de Blida et fuit vers le sud en grimpant les premiers contrebas de Chréa sur presque trois kilomètres de distance. A l'heure actuelle, la démographie frôle déjà les 20 000 habitants, alors que timidement, une annexe d'APC, une poste, deux écoles primaires ont été, depuis quelques années, édifiées en guise de réponse à la demande citoyenne. Le marasme du quotidien des Benachouriens est visible à l'œil nu. Le ramassage des déchets pose problème, puisque le seul camion dépêché à cet effet par l'APC de Blida ne sillonne que l'artère principale, en la longeant linéairement jusqu'à la partie amont. Du coup, bon nombre d'habitants des quartiers non desservis devront soit « trimbaler » quotidiennement les résidus jusqu'à cette artère principale, soit opter pour des décharges sauvages. Ce problème n'est pas sans effets sur le cadre de vie : multiplication des points des décharges sauvages, prolifération d'insectes, d'odeurs nauséabondes... Quant à l'évacuation des eaux usées, les écoulements sont à ciel ouvert, les obstructions d'ouvrages vétustes ou sous-dimensionnés y sont omniprésentes. Selon Tahar Amouri, délégué de Ben Achour auprès de l'APC de Blida, le problème de l'évacuation est dû essentiellement à la topographie du site. Il va falloir, selon lui, envisager des solutions de fond en maîtrisant les contraintes techniques posées par la nature accidentée du terrain. Nous apprendrons d'une autre source, que le collecteur principal risque de s'obstruer définitivement en raison du colmatage en amont des drainages naturels qui servaient à l'évacuation des eaux de pluie. Ceux-ci sectionnent naturellement la mégabourgade en plusieurs secteurs et devraient à cet effet, comme le précise notre source, être préservés. La boue et les sobriquets En fait, le marasme est global et personne ne cache son dégoût en raison de la décrépitude dans laquelle végètent misérablement ces habitants. « Si ce gigantesque amas de béton (notre cité) se trouve à un jet de pierre du centre-ville, il n'en est rien des commodités. Hormis les périodes des joutes électorales durant lesquelles nous sommes comblés de mots doucereux, le reste du temps, on nous colle une pléthore de qualificatifs en guise de rempart de démarcation : arrivistes, 48 wilayas, débarqués…. Et dire que 90% des ménages ne sont même pas raccordés au gaz naturel », déplore un habitant, la bonbonne de butane sur son dos. Sur les lieux, les travaux d'excavation pour la pose de la tuyauterie de gaz ont dégagé d'énormes quantités de terre. Ces dernières, drainées à chaque événement pluviométrique, envasent toutes les ruelles des quartiers de la cité Ben Achour. Ce problème de boue ne risque, d'ailleurs, pas de connaître son épilogue pour bientôt, puisque selon certains habitants, au niveau de la partie amont, les travaux de déblaiement des lits de conduites de gaz ne se sont pas conformes aux normes (profondeurs de tranchées, sécurité). Pour l'instant, ce projet n'a consommé que deux milliards de centimes qui ont été débloqués des 21 milliards qui devront l'être à terme. Conséquence : depuis quelques mois, le projet est totalement à l'arrêt. Cela est dû, selon M. Amouri, au manque de coordination entre l'exécutif de la wilaya et la tutelle. Et comme un malheur ne vient jamais seul, s'y ajoute le manque flagrant de moyens de transport. « Si ce n'étaient les clandestins qui assurent la desserte jusqu'au quartier des Beni Hayene, Matmata, faire nos commissions au quotidien relèverait de l'impossible », dira une dame. Activant dans un cadre non encore réglementé, ces clandestins atténuent un tant soit peu les tribulations d'une grande masse d'habitants de ces quartiers amonts. En attendant des jours meilleurs Par ailleurs, la plupart des quartiers manquent d'éclairage public et il faut bien patauger à tâtons dans la boue pour sortir des « zones obscures ». Plus bas, et dire qu'il s'agit de l'artère principale, on rejoint ce qui devrait ressembler à une chaussée goudronnée, où prolifèrent des trous et crevasses qui se transforment en une suite ininterrompue de cloaques à la moindre chute de pluie. La raison est évidente, nous dit-on : « que croyez-vous que l'on choisisse à cette zone de ‘'va-nu-pieds'', du goudron de première qualité ? allons donc ! », fulmine un habitant de la cité. Bon nombre d'écoliers de ces quartiers en amont de cette cité sont scolarisés ailleurs, loin de leur domicile en raison du manque d'infrastructures sur place. Toutefois, d'après M. Amouri, il sera proposé, dans le cadre du PCD 2009, entre autres la réalisation d'un commissariat de police, d'une polyclinique et d'un CEM. « Les quotas d'équipement seront limités en raison de l'insuffisance du foncier. Néanmoins, on doit réactiver les anciens projets qui ont été mis aux oubliettes. Cinq budgets qui avaient été destinés pour l'amélioration du cadre de vie dans cette localité, depuis les années 1990, se sont volatilisés on ne sait de quelle manière », affirme cet élu. Un cadre, habitant ce quartier, évoque le projet de la route qui devait relier Ben Achour à la cité Chaou pour rejoindre le centre-ville et, qui depuis des années, n'a pas vu le bout du tunnel. Cette passerelle permettra, selon lui, de désengorger l'artère principale exiguë et qui ne désemplit presque jamais face au flux étouffant de véhicules. Berbère Mohamed, président du comité de quartier, déplore le fait que les habitants soient négligés par ceux qui, pas plus tard qu'hier, rôdaient dans ce fief de la désolation pour collecter des voix en vue de leur ascension dans les hautes sphères. Il dira qu'une centaine de dossiers ont été déposés dans les services concernés depuis 2002 afin d'obtenir des subventions permettant de restaurer les habitations, sans suite à ce jour. Des secteurs de la partie amont de Ben Achour, souffrent aussi, dira-t-il, des coupures quotidiennes d'électricité, dès la tombée de la nuit et pendant plusieurs heures. Dans le volet résorption de l'habitat précaire, deux projets de lotissement ont été proposés. L'un de 27 ha, situé en amont de la cité Touares (Ouled yaïch), relevant des Forêts, l'autre de 90 ha se trouvant en amont de la station téléphérique de Blida (Domaines). Cette initiative, toujours en discussion, n'a pas été encore approuvée. De l'avis de M. Amouri, instigateur de cette proposition, la fixation de ces populations, près des endroits de leurs activités, permettra d'empêcher la prolifération d'autres habitats précaires. Boutés par les aléas de cette misère tentaculaire susceptible de couver toutes les formes de déviation, ces habitants réclament des actions plus coercitives pour leur assurer la paix et la sécurité, dont certains sont sujets aux agressions et aux vols par effraction. Aussi, l'augmentation de la vente et consommation de stupéfiants ainsi que de la vente illicite de boissons alcoolisées, surtout du côté du quartier Chaâbane, font un ravage auprès de la population juvénile. Alors que la campagne pour un vote massif, lors des prochaines présidentielles, bat son plein, ce grand réservoir électoral, d'ailleurs bien connu des élus locaux qui l'ont tant abreuvé de promesses, attend toujours des jours meilleurs !