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Choléra : Une rentrée scolaire inquiétante
Publié dans El Watan le 31 - 08 - 2018

«La rentrée scolaire ne sera pas reportée à une date ultérieure à cause de l'épidémie du choléra.» C'est ce qu'a assuré la ministre de l'Education nationale, Nouria Benghebrit, suite à la demande de certains syndicats de reporter la date de la reprise des cours suite à la propagation de l'épidémie.
Précisant que «les informations communiquées par les instances concernées, à leur tête le ministère de la Santé, au sujet de l'épidémie de choléra n'exigent pas le report de la rentrée scolaire dans les wilayas touchées». Pourtant, de nombreux parents restent craintifs. «Mes deux enfants sont scolarisés. Ils sont âgés de 7 et 8 ans.
Ils sont encore jeunes. Il faut que quelqu'un veille, par exemple, à ce qu'ils se lavent les mains de manière continue. J'ai aussi peur qu'un enfant, porteur de la bactérie mais pas encore symptomatique, soit présent au sein de l'école et qu'il contamine les autres.
En fait, j'ai peur que les responsables perdent le contrôle avec le flux important d'élèves et qu'il y ait contagion», s'inquiète Samira, 42 ans, cadre dans une entreprise étatique. Et Samira n'est pas un cas isolé.
Linda, une mère au foyer, est paniquée depuis l'annonce de l'épidémie : «Je suis incapable de me décider d'envoyer mes enfants à l'école le 5 ou pas ! D'une part, j'ai peur qu'ils reviennent malades.
D'une autre, je ne veux pas leur gâcher leur rentrée, eux qui se réjouissent de reprendre l'école, et leur faire manquer les cours qu'ils seront incapables de rattraper plus tard.»
Salubrité
Des craintes qui ont poussé de nombreux syndicats à demander le report de la rentrée. Le Syndicat national des professeurs de l'enseignement secondaire et technique (Snapest) était le premier à demander le report de la rentrée.
Les raisons évoquées par le syndicat, via son coordinateur national Meziane Meziane, sont nombreuses : «D'abord, il faut savoir que dans le fin fond de l'Algérie, les établissements scolaires sont alimentés en eau potable deux fois par semaine et cela reste insuffisant. On utilise les bâches, dont l'eau n'est pas remplacée périodiquement. Aussi, les sanitaires sont mal nettoyés.
Etantdonné qu'on ne souhaite pas que cette épidémie se transforme en pandémie, on demande le report de la rentrée pour mieux prendre en charge le côté salubrité des établissements.» Selon le syndicaliste, si on veut vraiment bien nettoyer et être prêt le jour de la rentrée, on doit commencer à le faire dès maintenant : «Il faut désinfecter, laver et remplacer l'eau des réserves et les javelliser.
Il ne faut pas attendre le jour de la reprise pour le faire, sinon, il vaut mieux privilégier le report.» Un avis partagé par Nabil Ferguenis, membre du conseil national du Syndicat autonome des travailleurs de l'éducation et de la formation (Satef), qui affirme que le Satef est pour le report de la rentrée dans les wilayas touchées par le choléra, tant que le ministère n'a pas détecté l'origine de l'épidémie.
Pandémie
«L'avantage qu'on peut tirer du report est d'éviter d'aggraver le problème et de s'assurer de l'éradication de l'épidémie, car nous ne pouvons pas nous permettre une pandémie. De plus, les élèves ne perdront pas beaucoup d'heures d'enseignement», soutient-il.
De son côté, l'activiste éducatif Kamel Nouari confie qu'une rentrée scolaire dans ces conditions reste inquiétante, car «l'épidémie peut facilement se propager dans l'environnement scolaire si nous ne prenons pas les mesures appropriées de manière urgente».
Selon le spécialiste, il est nécessaire de surveiller les toilettes et les nettoyer quotidiennement. Aussi, surveiller l'eau des robinets et laver les fruits et légumes utilisés dans les cantines.
Et enfin, dispenser des séances de sensibilisation sur la dangerosité du choléra et l'incivisme. Par ailleurs, Kamel Nouari confie : «Nos institutions éducatives, en particulier les écoles primaires, manquent de personnel responsable de l'hygiène.
Les restaurateurs ne sont pas qualifiés pour cuisiner, et l'eau utilisée est celle stockée dans les citernes. C'est pour toutes ces raisons que le ministère de l'Education devrait reporter la rentrée scolaire, au moins d'une semaine, en particulier dans les wilayas où l'épidémie s'est répandue.»
Beaucoup de parents souhaitent donc que la ministre change d'avis. «Elle a changé d'avis sur de nombreux sujets, notamment concernant le bac. Elle le fera peut-être aussi pour la rentrée», espère Samira. Mauvaise nouvelle : la ministre maintient sa décision.
Médecine scolaire
En effet, selon une source bien informée, la reprise est maintenue pour le 5 septembre. Mais à en croire les déclarations de la ministre, toutes les mesures ont été prises contre l'épidémie de choléra, non seulement au niveau des wilayas où des cas ont été enregistrés, mais dans toutes les wilayas du pays, et ce, sous la supervision des ministères de l'Intérieur et de la Santé.
Ces mesures comprennent le renforcement des règles d'hygiène, notamment par l'entretien et l'assainissement des réservoirs, des citernes, des sanitaires et des cantines.
De son côté, Bachir Hakem, porte-parole du CLA, estime que pour décider du report de la rentrée scolaire, il faut que la situation soit très grave. Selon lui, si les informations sont exactes et que l'origine et la raison de l'épidémie ont été déterminées, le report ne s'impose pas, au contraire.
«Si les établissements sont sécurisés en termes d'hygiène (eau stérilisée, bâche d'eau stérilisée, toilettes nettoyées et stérilisées régulièrement, contrôle de l'hygiène et de la propreté des élèves, prise en charge des élèves malades par les éléments de la médecine scolaire, auscultation de tous les élèves pendant la première semaine et suivi régulier des enfants, recrutement de plus de femmes de ménage et d'agents), le report n'a aucun sens, au contraire ! C'est l'occasion de montrer les dangers de l'incivisme», explique-t-il.
Par ailleurs, le syndicaliste propose que la première semaine soit consacrée uniquement aux épidémies dues au manque d'hygiène et surtout à l'incivisme, pour remuer les consciences de 9 millions d'Algériens présents dans l'école et qui transmettront cela à leurs parents et à toute la société.
Menace
«Pour cette rentrée scolaire, toute la société civile est concernée. Nous espérons voir des associations de parents d'élèves organiser des journées sur le civisme et la propreté, il en est de même pour le ministère de l'Education ainsi que ceux de la Santé et de l'Intérieur. Il y a plus d'avantages à ne pas reporter qu'à reporter la rentrée, mais cela reste tributaire des moyens mis pour la réussir et éviter la propagation de l'épidémie», espère-t-il.
Par contre, selon le syndicaliste, si on doit reporter la rentrée pour une raison, ce sera à cause des conditions climatiques en Algérie, plus particulièrement au Sud. Aucune autre raison ne peut expliquer un report.
Pour l'aspect médical, le docteur Mohamed Yousfi, chef de service des maladies infectieuses à l'hôpital de Boufarik, estime qu'il n'est pas nécessaire de reporter la rentrée scolaire à cause du choléra : «L'inquiétude des parents est légitime, vu la mauvaise communication dont a eu droit ce dossier.
N'empêche, cela ne doit pas se répercuter sur la scolarité des enfants.» Le docteur argumente : «Seules 4 wilayas ont été touchées par l'épidémie. Toutes les autres, non ! Cela ne justifie pas un report de la rentrée.
De plus, la tendance est à la baisse. Nous sommes loin des 5 à 10 cas par jour des premiers temps, et en prenant les dispositions nécessaires et si on applique les mesures d'hygiène, il n'y a pas lieu de paniquer les enfants.»
Pour lui, cette épidémie est finalement un mal pour un bien, car le constat malheureux qu'on a pu tirer est que le civisme a disparu et la responsabilité est partagée entre les citoyens et les responsables des collectivités locales.
«Il faut inculquer la culture de l'hygiène, sans quoi, nous serons continuellement confrontés à toutes sortes de menaces. On souhaite tirer les leçons à titre individuel et collectif afin de pouvoir espérer mettre un terme à ce genre de risque», conclut-il.


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