Trente ans après les tragiques événements du 5 Octobre 1988, des militants du mouvement associatif tire la sonnette d'alarme quant à la situation des droits de l'homme en Algérie. 5 Octobre 1988-5 octobre 2018. Cela fait déjà 30 ans depuis que les Algériens ont brisé le mur de la peur. Après plus de 20 ans d'oppression et de pensée unique, imposées par un système autoritaire qui s'est accaparé du jeune Etat algérien au lendemain de l'indépendance, les Algériens se rebiffent. A Alger et dans de nombreuses villes et régions du pays, des citoyens, jeunes et moins jeunes, se sont rebellés contre la dégradation de leurs conditions sociales et contre l'autoritarisme en vigueur depuis des années. Ce fut un autre «printemps» de démocratie qui est loin d'être un simple «chahut de gamins». Car, malgré la répression féroce des manifestants, les Algériens ont réussi à imposer, au prix fort, l'ouverture démocratique et le pluralisme politique. Acculés, les tenants du pouvoir de l'époque ont été contraints de céder et d'entreprendre des réformes politiques qui ont mis fin au système du parti unique. L'Algérie a ouvert ainsi une nouvelle page de son histoire. La Constitution de 1989 ouvre ainsi la voie au pluralisme politique et consacre les libertés individuelles et collectives. Le système du parti unique a laissé place au multipartisme, à un important mouvement associatif et à une presse privée diversifiée. En l'espace de deux ans, le paysage politique national s'est métamorphosé et la scène médiatique s'est enrichie d'une variété de titres. Le vent des libertés a soufflé fort sur tout le pays. Mais la parenthèse n'a pas tardé à être refermée, malgré le maintien de tous les textes législatifs issus de la Constitution de 1989. Quid des acquis ? Les observateurs, les spécialistes et les militants politiques ont, aujourd'hui, un regard pessimiste sur la situation du pays. «L'apprentissage démocratique est laborieux» Pour le politologue Mohamed Hennad, «il est difficile de parler d'acquis». «D'abord, au vu des souffrances et des pertes humaines et matérielles que l'Algérie a dû subir pendant de longues années, ensuite le niveau que la corruption a atteint, depuis le début du siècle, dans notre pays à tous les niveaux, à tel point que l'on peut légitimement qualifier l'Etat algérien d'‘‘Etat failli'', voire voyou !» explique-t-il. Pour ce professeur en sciences politiques, les acquis existent. «Malgré tout, on ne peut pas dire que l'Algérie a ‘‘vite fermé la parenthèse de l'ouverture'' engendrée par les événements d'Octobre 1988. L'apprentissage démocratique est laborieux et prend beaucoup de temps. Et puis il y trop d'intérêts, aussi bien économiques que politiques, en jeu ; ce qui explique la lenteur du processus, surtout au vu du niveau de la culture politique de notre société. Mais le processus est bel et bien engagé, une fois pour toutes, malgré les revers. Car il y a toujours un prix à payer !» précise-t-il. Il affirme que le plus important acquis est celui de «la liberté de parole». «Certes, pour le moment cette dernière semble sans effet, mais elle demeure, tout de même, la mère de toutes les libertés», indique-t-il. «Réinventer l'espoir» Pour Saïd Salhi, vice-président de la Ligue algérienne pour la défense des droits de l'homme (LADDH), «à l'occasion de cet anniversaire, il y a lieu d'abord de faire un inventaire de tous les acquis démocratiques qui sont malheureusement de plus en plus attaqués et menacés». «Aujourd'hui, il est aussi question de réhabiliter ce grand tournant qui a consacré de manière irréversible le choix démocratique en réponse à la quête du peuple algérien pour la liberté et la citoyenneté. Un choix imposé par les luttes incessantes et les sacrifices suprêmes du peuple algérien», souligne-t-il. Appelant à un «sursaut citoyen pour la défense et la consolidation des acquis de notre printemps démocratique algérien», Saïd Salhi affirme qu'il y a encore des défis en matière d'exercice des libertés démocratiques à relever. «Il faudra réinventer l'espoir, surtout chez les jeunes, pour plus d'engagement et d'implication pour le changement démocratique et pacifique tant souhaité depuis l'indépendance», explique-t-il. Le mouvement associatif tire, pour sa part, la sonnette d'alarme quant à la situation des droits de l'homme en Algérie. «Dans le domaine de la liberté d'expression et d'opinion, l'emprisonnement de journalistes, blogueurs et défenseurs des droits humains est inacceptable», s'insurgent plusieurs associations, dont RAJ, CFDA, Djazairouna, la LADDH, Snapap et ACDA, dans un communiqué commun, rendu public hier. Citant de nombreux cas liés à la violation des droits et libertés, ces associations expriment leur inquiétude.