Né en 1965 en France, d'une mère native de Biskra, Gilles Dupont est un ingénieur et un collectionneur d'anciennes photographies de la ville de Biskra. Il a contribué aux différentes expositions sur la Reine des Ziban en tant que préteur et a créé des sites web sur cette ville algérienne. De passage à Biskra pour présenter, sur invitation de l'association Mosaïque, une conférence sur «La représentation de Biskra à travers les photographies anciennes du XIXe siècle», il livre à El Watan ses sensations et l'origine de sa passion pour la Reine des Ziban. – Comment vous est venue cette passion de collectionner des photographies anciennes sur Biskra ? Pour des raisons familiales et personnelles, je m'adonne depuis 15 ans à la collection de photographies anciennes sur Biskra, car je suis descendant des photographes maures qui y étaient établis et qui ont produit des dizaines de photographies. Ma démarche avait aussi pour but de connaître la ville natale de ma mère qui en est partie à l'âge de 30 ans et qui n'a jamais pu se faire à la froideur du climat et à celui des gens du nord de la France. Il me semble que j'ai toujours connu Biskra à travers ma mère qui était d'une générosité, d'une gentillesse et d'un humanisme exceptionnels et a vécu pendant 50 ans comme une étrangère en France. Pour moi, la ville de Biskra m'a toujours été familière, car c'est ma mère et sa façon d'entretenir les relations humaines très fortes. – Comment avez-vous constitué votre collection ? A travers la production de mes ancêtres installés pendant plus de 70 ans à Biskra entre 1860 et 1930, j'ai pu retracer plus de 50 ans de l'histoire de la photographie, qui est passée d'un caractère purement documentaire à un style plus esthétique, artistique et parfois commercial et publicitaire, avec l'apparition de la carte postale. Suite à mes recherches pour dénicher des photographies de Biskra que j'ai retrouvées au Chili, en Norvège, en Angleterre, en Australie, en Hollande, en Allemagne, bien sûr en France et dans d'autres pays, j'ai pu identifier une cinquantaine de photographes qui ont représenté Biskra, comme Emile Frechon, Alexandre Bougot et Auguste Maure, dont le travail est loué par tous les historiens de la photo. A partir de 1888 et l'arrivée du train, des touristes, dont des aristocrates du monde entier, venaient à Biskra et repartaient avec une photographie valant à l'époque 2 nuitées d'hôtel. Ces photos sont désormais muséifiées eu égard à leur importance dans l'histoire de la photographie. – Qu'éprouvez-vous à l'occasion de votre première visite de Biskra ? La sensation est de l'ordre de la révélation, car j'appréhende mieux le caractère de ma mère qui était différente des autres par son altruisme extrême et une surdouée en humanité. Je me rends compte à travers l'accueil, l'hospitalité et la chaleur des gens de Biskra que ma mère était simplement une femme de Biskra. Elle nous a élevés, nous ses enfants, à avoir cette attitude, car la gentillesse et la bonté gagneront toujours comme elle le disait. Je ne m'attendais pas à retrouver le Biskra des photographies que je collectionne, car c'est le passé, mais j'ai retrouvé des éléments forts de mon identité. Je déplore simplement que la ville fasse l'objet d'une bétonisation tous azimuts due à une démographie galopante. Il faut savoir que Biskra détient un patrimoine architectural inestimable lié à la présence française, mais aussi des joyaux architecturaux de type arabo-berbère, comme les douars de Chetma et le village rouge d'El Kantara qu'il est nécessaire de préserver. Les vrais touristes cherchent de vieilles pierres et de l'authenticité, pas des Disneyland. Il ne faut pas, comme à Pékin, faire table rase du passé et détruire les vieux villages pour les remplacer par des immeubles uniformes. – Comment voyez-vous l'avenir des relations franco-algériennes ? Ma venue à Biskra est un voyage initiatique. C'est une étape programmée et inspirante, car les conditions pour l'inspiration sont toujours intactes et présentes dans cette ville. Les liens franco-algériens sont indéfectibles de par notre proximité historique et géographique. Il faut que les vrais historiens travaillent de concert et que nous puissions grandir ensemble de cette histoire commune. Il ne s'agit pas d'oublier, mais de créer des ponts bâtis sur des socles robustes, comme la culture, l'échange sur des valeurs de l'art et de l'humanité et sur un ressenti commun. On vibre à la même fréquence. Que l'on soit musulman, chrétien ou athée, un paysage beau est beau pour tous, à moins d'être aveugle. Nous avons ce partage que nous devons exploiter. Je suis sûr que notre avenir sera radieux. Je remercie les Biskris qui m'ont accueilli de la plus belle des façons et l'association Mosaïque. Je repars satisfait et émerveillé et le cœur comblé de bonheur.