Sans entrer dans les détails, il verse son lot de souvenirs pour en tirer une leçon, une conclusion du génie de nos révolutionnaires. Invité du Centre international de presse (CIP) pour animer une conférence-débat organisée la nuit d'avant-hier par la Fondation du 8 Mai 1945, Rédha Malek, qui était le porte-parole et membre de la délégation de l'Algérie aux négociations d'Evian, ranime une page d'histoire, celle des ambassadeurs de la libération de l'Algérie. Du docteur Lamine Debaghine à l'affaire de Si Salah, en passant par la reconnaissance de la Révolution par le sénateur américain J. F. Kennedy en février 1957, l'auteur du livre L'Algérie à Evian revient avec beaucoup d'affinité sur la stratégie diplomatique qui a ramené l'Algérie à son indépendance du joug colonial. «La délégation algérienne siégeant dans le Bureau de la libération du Maghreb en Egypte a mis les premières balises de la politique extérieure», dit-il de prime abord. Parmi les membres de cette délégation, il y avait Mohamed Khider, Hocine Aït Ahmed et Ahmed Ben Bella. Pour porter la voix du peuple à l'étranger et la répandre dans tous les pays amis, le docteur Lamine Debaghine a bien peaufiné, indique-t-il, une «stratégie de guerre diplomatique». Premier principe : «Il ne faut pas amalgamer entre ce qui est peuple et opinion publique et les gouvernements et l'administration au pouvoir.» Ainsi, l'Algérie ou les cerveaux de la Révolution décident de se déployer sur le front diplomatique en tenant compte des équilibres internationaux. En faisant la distinction entre «le colonialisme français» et l'Occident ainsi qu'entre le pouvoir français et le peuple, le GPRA a vite trouvé bon entendeur. «L'Indonésie est le premier pays à accueillir une délégation de diplomates du GPRA, puis le Premier ministre chinois. La Révolution algérienne était représentée au congrès afro-asiatique tenu en 1955 à Bandung par Hocine Aït Ahmed et M'hammed Yazid qui ont été reçus par le président de l'Indonésie en personne, Sukarno.» Grâce à cette politique, l'Algérie a gagné des alliés même au sein de l'opinion publique française. C'est ainsi que des intellectuels, comme Jean-Paul Sartre, des journalistes comme Robert Vara (Témoignage chrétien) et des poètes comme Jean Sénac, ont participé, chacun à sa manière, à la guerre de Libération. Cette réussite se doit aussi, expliquera Rédha Malek, à «la rigueur et à l'austérité avec laquelle est appliquée la stratégie mise en place». «Une fois, le quotidien El Moudjahid avait publié des témoignages sur la torture, en mettant en exergue : 'Il n'y a pas une nation plus pervertie que la France.” Ainsi, nous étions obligés d'arrêter le tirage et supprimer cette phrase, car il s'agissait d'un amalgame qui ne servirait pas la Révolution», raconte-t-il. Même chose pour l'élimination de Amine Chekel qui travaillait avec la France. «Si Boussadouk avait la possibilité de tuer avec Chekel le président de la République française, qui était à ses côtés dans un stade, mais il ne l'avait pas fait par respect à la stratégie établie», indique encore le conférencier pour dire que le secret de la Révolution est à chercher dans la rigueur de ses hommes. Les ambassadeurs de la Révolution ont également refusé de s'aligner avec l'un des blocs durant la guerre froide. «Cela nous a permis de bénéficier de l'aide des deux pôles. Nous avons bien expliqué notre cause. Comme nous l'avons illustrée et appuyée par des faits», souligne le conférencier. Avec le temps, nous avons pu avoir des représentations à travers le monde. Et l'opinion internationale a fini par comprendre la cause algérienne et la soutenir.