Elle est mécontente et le fait savoir au premier magistrat du pays. La fondation du 8 Mai 1945 exprime, en effet, son insatisfaction et sa déception quant au contenu de la loi sur le moudjahid et le chahid. Dans une lettre adressée à la fois au chef de l'Etat, aux candidats à l'élection présidentielle du 9 avril prochain, au ministre des Moudjahidine, aux partis politiques et également aux parlementaires, la Fondation demande une révision des textes de loi relatifs au moudjahid et au chahid et à leurs ayants droit. Le motif d'une telle requête est que cette loi ne concerne pas les victimes des massacres du 8 Mai 1945. De ce fait, la Fondation la considère « sélective et ségrégationniste ». Voulant contribuer au lancement d'un débat sur une telle revendication, qui est, selon elle, celle de milliers d'Algériens, la Fondation fait une proposition de loi qu'elle a adressée aux hauts responsables du pays et à la classe politique. Par sa proposition, elle réclame le droit de tous ceux qui, durant 132 ans de colonisation, ont fait des sacrifices pour que l'Algérie retrouve son indépendance. « Les martyrs de la foi, nos héros, libérateurs de ce pays (…) ceux-là mêmes qui se sont sacrifiés dans l'anonymat, jetés du haut des falaises, dans les gorges de Kherrata, enterrés vivants dans des charniers à Sétif et ailleurs, égorgés par des soldats sanguinaires et déchaînés, abattus par balle ou brûlés vifs. Celles qui furent éventrées, violées dans l'impunité. Ceux qui furent étouffés dans des cuves à vin et des fours à chaux », souligne la Fondation dans son exposé des motifs, avant de s'interroger : « Jusqu'à quand resteront-ils ignorés par les lois de la République, sans statut, sans reconnaissance juridique, sans droit au titre de martyr. » Ainsi, la Fondation interpelle les dirigeants du pays : « Vous qui êtes au sommet de l'Etat, vous qui représentez le peuple, vous qui détenez la décision ou le pouvoir d'influer sur ceux qui décident, il est temps de prendre vos responsabilités en vous regardant en face pour restituer aux morts leur dignité, aux martyrs leur honneur. » La Fondation mise sur le contexte électoral actuel pour sensibiliser les candidats à la présidentielle et tenter de faire pression sur eux afin qu'ils prennent en considération cette revendication. Pour elle, la loi sur le moudjahid et le chahid qui date de 1999 « doit réhabiliter dans ses grandes lignes les oubliés du droit à la reconnaissance, du droit au martyre, du droit à l'honneur d'appartenir à cette noble nation ». « Hier encore, nos moudjahidine se sont recueillis sur la tombe de Fernand Iveton, guillotiné par les autorités coloniales le 11 février 1957 à la prison de Serkadji ; ne devrait-il pas être considéré comme un des martyrs de la Révolution ? Dans quelle case le classeront-ils ? Est-il un vrai ou un faux moudjahid ? Un étranger ? Une erreur de guerre ? Une fatalité ? Qu'est-il au juste ? La liste est longue et la mémoire est courte, amnésique et figée », se demandent les membres de la Fondation. En outre elle réclame le rétablissement des vérités historiques. « Pour consolider nos revendications sur les crimes commis par la colonisation, les crimes de guerre, les crimes contre l'humanité, le génocide, assumons d'abord notre patrimoine historique immédiat. Restituons notre mémoire, réhabilitons nos martyrs, consolidons notre législation », souligne encore la Fondation, qui estime que le parachèvement de la « réconciliation nationale » passe « inéluctablement » par la « purification » de l'histoire de l'Algérie.