« Roll on, et même si le temps semble passer, il arrive à plein tube et avec cette même sublimité que la postérité lui a toujours assigné ». Incroyable, à 70 ans, le détonant J. J. Cale, « le maître » comme le désigne Eric Clapton, nous surprend encore avec un nouvel opus, un album de 12 titres qui sera, dès aujourd'hui, dans les bacs. Cette légende du rock, qui refuse la gloire et le faisceau des projecteurs, mais dont les chansons, le son et le style ont construit celle des autres, reste une icône incontournable de la musique américaine de ces 50 dernières années. Artisan du style « laid back » (décontracté), ce guitariste de génie a eu une influence majeure sur de grandes personnalités du rock. Son registre musical va d'un soft country-rock atypique au blues le plus cristallin, au rockabbilly et à un jazz aux résonances cajuns ou néo-orléanaises. Ce mélange de country, rock, jazz et blues est connu comme le tulsa sound qui a conféré à J. J. Cale une renommée d'artiste typiquement américain, traditionnel et innovateur à la fois. Mark Knopfler, Neil Young ou Bryan Ferry se sont inspirés de lui et nombreux sont les artistes qui ont fait des tubes et construit leur légende avec ses titres. Cocaïne, After Midnight, All make love to you anytime et Travelin' Light ont été reprises par Eric Clapton, The sensitive Kane par Santana, Call me the breeze par Lynyrd Skynyrd et d'autres encore comme The Allman Brothers, Johnny Cash, Tom Petty, The Band, Chet Atkins, Freddie King… ont repris des morceaux de ce guitariste, chanteur, auteur, musicien multi-instrumentaliste, producteur artistique et ingénieur du son. A ce propos et lors d'un entretien accordé en 1993 au magazine Guitare et Claviers (n°143), il dira, avec une grande humilité : « On a décelé mon influence dans le jeu de guitaristes comme Knopfler. Eh bien, je ne sais pas trop quoi en dire. Ces gens là prennent le meilleur de ce que j'ai pour l'intégrer à leur jeu (...) Tous les emprunts se justifient, sans eux pas d'avancée possible ». Sur des rythmes cools ou endiablés, J. J. Cale applique des mélodies simples, mais combien suaves, aériennes… et pour corser le tout, il enrichit ingénieusement sa ligne mélodique par un jeu de guitare unique, swinguant à souhait et très boogie, après quoi il bidouille encore un coup dans son studio, en y ajoutant avec subtilité des « trucs », presque imperceptibles, collages, overdubs et backing vocals. A cette mixture musicale inouïe, viennent les paroles, prononcées sourdement, qui sont une chronique croustillante et railleuse du quotidien des petites gens. Pince-sans-rire, amour et blues, c'est ce qui caractérise son œuvre et formule une monumentale esthétique musicale. Alors, Roll on et Roll-on-Roll encore l'ami, et un grand merci !