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Une grande Dame est passée
Evocation. Un symbole nommé Germaine Tillion
Publié dans El Watan le 26 - 02 - 2009

Intellectuelle engagée, symbole de la résistance contre l'occupant nazi, miraculée des camps de concentration, militante farouche des causes justes, opposante résolue au colonialisme barbare… La femme aux convictions tranchées était tout cela et plus encore.
La liste des mérites de cette femme d'exception qui nous a quittés, le 19 avril 2008, à l'age de 101 ans, est très longue. Nul n'ignore la profonde et sincère humanité dont la grande figure de l'ethnologie, a donné un exemple lumineux en refusant l'occupation de son pays. Nul n'ignore ses engagements aux côtés des opprimés et pour les causes justes. Les insignes Grand-Croix de la Légion d'honneur, Ordre national du mérite, Croix de guerre, Médaille de la déportation pour faits de résistance, Grand-Croix du Mérite allemand, ne lui ont pas tourné la tête. Jusqu'à son dernier souffle, la battante est restée fidèle à elle-même en se rangeant du côté des sans-papiers de l'église Saint Bernard en 1997. Cofondatrice (dès 1940) du réseau du Musée de l'homme de Paris, premier réseau de résistance face à l'occupant nazi, Germaine Tillion fut dénoncée par un traître et déportée, deux ans plus tard, au camp de Ravensbrück en Allemagne, où sa mère sera gazée. Citoyenne du monde, l'ethnologue était arrivée en Algérie durant les années 1930. Se sentant très impliquée par l'évolution de la situation politique, la « femme des Aurès » va très vite réagir, suite à ses enquêtes sur le terrain, en dénonçant la torture, la déportation des populations et l'utilisation du napalm par l'armée française. « Quand j'ai retrouvé les Aurésiens, entre novembre 1954 et février 1955, j'ai été atterrée par le changement survenu chez eux en 15 ans et que je ne puis exprimer que par ce mot : clochardisation », dira-t-elle. Elle revient en Algérie en 1957, en pleine bataille d'Alger, quasiment en même temps que le général Massu doté des pleins pouvoirs. Sa mission : mener des actions d'alphabétisation, de formation et de santé auprès des populations rurales déshéritées. Les 120 centres sociaux, qu'elle a initiés, vont très vite attirer les foudres des militaires et des ultras. Nombre de responsables de ces centres furent arrêtés, torturés et même assassinés, comme Mouloud Feraoun, Max Marchand, Ali Hamoutène…
La répression féroce de la soldatesque coloniale devenant de plus en plus insupportable, Germaine Tillion va inciter une commission internationale à venir enquêter dans les camps et les prisons. « En Algérie, dira la grande figure de l'ethnologie, il y a des pratiques qui furent celle du nazisme, le nazisme que j'ai exécré et que j'ai combattu de tout mon cœur ». La pourfendeuse du colonialisme fut parmi les premières personnalités à dénoncer ouvertement la torture dans les camps militaires et dans les prisons. Femme de caractère et des missions difficiles, elle était en contact avec les principaux militants du FLN. Elle avait même réussi à obtenir l'interrruption des attentats à Alger, suite à ses contacts avec Yacef Saâdi, Ali la Pointe, Zohra Drif et Djamila Bouhired. Ses nombreux ouvrages témoignent de son itinéraire riche et tumultueux comme de sa contribution intellectuelle. Ennemi complémentaire, (1960 et 2005) qui fait référence à ses rencontres avec les responsables du FLN, Le harem et les cousins (1966), L'Algérie en 1957 (1957), L'Afrique bascule dans l'avenir (1999), A la recherche du vrai et du juste (2001), Algérie aurésienne, écrit en collaboration avec Nancy Wood (2001), et Les belles-mères contre les filles reflètent son parcours militant et ses engagements en Algérie et ailleurs. Ses chants et ses textes sont aujourd'hui célèbres. L'espoir, une opérette écrite en déportation, tirée de Verfügbar aux enfers et chantée à la sauvette, dans les camps, à des femmes venues de l'Europe entière est devenue une référence. Merci, Germaine pour toutes vos leçons de vie !


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