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Aïn Beïda
Publié dans El Watan le 10 - 07 - 2005

Et pour cause, le travail de la laine ne nourrit plus son homme. D'abord, le prix de la matière première, c'est-à-dire la laine de mouton, a vu son prix décupler en un laps de temps relativement court. Ensuite, il faut ajouter les frais occasionnés par son lavage, son peignage, sa transformation en fil et enfin son passage chez le teinturier. Et ce n'est pas fini, car c'est maintenant que commence le vrai travail. S'il s'agit de confectionner un burnous ou une cachabia, le tissage ne durera pas longtemps, puisqu'il ne comporte pas de motifs. Mais quand on envisage la réalisation d'un tapis, la tâche n'est pas de tout repos ni à la portée de tout le monde. Le tissage d'un tapis peut prendre deux à trois mois, ce qui en rend le coût excessif. Les prix sont fixés selon la qualité du produit et de sa superficie.
Un tapis de 2 m sur 3, soit 6m2 revient à 20 000 ou 30 000 DA. Aussi, les gens préfèrent-ils se rabattre sur les tapis synthétiques, étant donné qu'ils sont cédés à des prix concurrentiels. Il y a deux décennies, une manufacture de tapis a vu le jour à Aïn Beïda, et ce, grâce aux responsables locaux d'alors, lesquels avaient à cœur de préserver un patrimoine civilisationnel, menacé de disparition. Certes, la manufacture artisanale a fonctionné pendant un certain nombre d'années, mais, faute de rendement, elle a été dissoute. Comme indiqué ci-haut, le prix prohibitif de la laine a stoppé net l'élan de cette unité qui, n'oublions pas de le dire, a employé une vingtaine d'ouvrières (tisserandes). Par ailleurs, les tapis tissés à la main trouvaient difficilement acquéreurs. En d'autres termes, rien n'a été fait pour la promotion du tapis des Haractas afin de lui attirer de potentiels clients, entre autres des touristes. Que peut-on et que doit-on faire pour sauver le tapis des Haractas de la menace de disparaître à jamais, lui qui a toujours représenté un inestimable trésor au même titre que celui des Nemenchas (Khenchela et Tébessa) ? Le touriste peut admirer une pièce unique exposée à la maison de l'artisanat à Constantine. C'est un tapis des Haractas fait uniquement avec de la laine naturelle, blanche et noire. Les motifs ressemblent à de jolis tatouages sur une peau blanche (je ne sais pas si le tapis est encore exposé dans les mêmes lieux !). En tous les cas, il existe encore des pièces de grandes qualités, dignes de faire partie de collections de musée. Encore une question : que doit-on faire pour assurer la pérennité d'un pareil art ? Dans n'importe quel pays du monde, jaloux de la préservation de ses cultures ancestrales, tout est mis en œuvre pour sauver de la ruine les métiers anciens, telles la dinanderie, la tapisserie, la poterie et la joaillerie. Ce sont ces métiers qui renseignent sur l'histoire d'un pays et sur ce qu'il recèle comme richesses intrinsèques. A Aïn Beïda, il y a déjà un métier artisanal qui a disparu. Il s'agit de la sparterie. C'est un métier qui a consisté en la fabrication de tapis, de couffins, de cordes et d'autres objets usuels à partir des touffes d'alfa. Pour peu qu'on veuille aider l'artisanat, principalement la confection de tapis – d'autant qu'il existe encore des tisserands armés de bonne volonté -, on assistera à la réhabilitation du tapis des Haractas, dont la beauté n'est plus à démontrer.

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