Par ailleurs, le pays s'engage résolument dans un processus de négociation avec l'Organisation mondiale du commerce (OMC) pour son adhésion. Le neuvième round de cette négociation étant le point culminant de la hiérarchisation des préférences sectorielles et tarifaires : timing, panel, subvention, barrières, droit de douane. La globalisation des marchés, la déréglementation des industries et le désengagement de l'Etat apparaissent comme une préférence qui implique deux enjeux économiques : Le premier favorise la convergence entre pays, une dynamique économique de projets multilatéraux qui cherchent à créer des pôles des croissance et d'emploi. Le second se fonde sur une dynamique d'investissement direct étranger, qui peut s'accompagner d'une émergence d'un marché dominé par un petit nombre d'acteurs puissants, nationaux ou (et) internationaux. L'Algérie, qui tente par ce nouveau dispositif partenarial et réglementaire de combiner ces deux trajectoires de croissance, doit renforcer son attractivité. Son positionnement sur l'échiquier méditerranéen et international dépend certes de son pouvoir de marché, c'est-à-dire de sa capacité de modifier les conditions de marché à son avantage, mais il dépend également de sa crédibilité stratégique de promouvoir des partenariats économiques et commerciaux pour faire face à la mondialisation. Les effets de ce train de réformes sur l'économie algérienne sont de nature à modifier les rapports contractuels entre acteurs et surtout les rapports de redistribution de la rente pétrolière et de la valeur ajoutée générée dans le pays. Après l'entrée en vigueur de ce processus partenarial et réglementaire, l'économie algérienne connaîtra-t-elle plus de croissance et d'emploi ou au contraire, sera-t-elle davantage assujettie à l'extraversion économique, à la précarité sociale et au commerce informel ? Le débat va de controverse à conjecture pour les milieux d'affaires. Par contre, l'échiquier politique du pays vacille entre le scepticisme et l'illusion de succès. L'Algérie gagnera davantage si ses préférences économiques et industrielles sont mieux hiérarchisées et les enjeux stratégiques définis. Nous tenterons d'apporter notre contribution à ce questionnement. Certains milieux d'affaires ou politiques en Algérie pensent que l'entrée en vigueur de ce dispositif partenarial et réglementaire (loi sur les hydrocarbures, accord d'association) aura des répercussions désastreuses sur l'économie nationale. Des inquiétudes économiques et organisationnelles, qui se manifesteront certainement lors de sa mise en œuvre, sont atténuées malheureusement par des controverses faussement intellectuelles ou par des conjectures politiquement partisanes. Les effets de l'accord d'association apparaissent mineurs en comparaison avec ceux du processus d'adhésion de l'Algérie à l'OMC ou ceux de la nouvelle loi sur les hydrocarbures. Ces trois dispositifs contractuels et réglementaires organisent l'insertion internationale de l'économie algérienne selon une vision concurrentielle de globalisation des marchés. Chaque dispositif a sa propre dynamique économique : la convergence partenariale pour l'accord d'association, la règle normative pour l'OMC et l'investissement direct étranger pour la loi sur les hydrocarbures. Qui pourrait affirmer que les effets de ce processus de changement seront bénéfiques ou néfastes pour l'économie du pays ? Ces milieux d'affaires ou politiques naviguent dans l'incertain et l'incertain produit l'illusion. Controverse et conjecture Avant d'évoquer les effets de ce processus partenarial et réglementaire sur l'économie algérienne, il semble plus opportun de s'interroger sur les motivations de ce scepticisme par rapport à l'accord d'association, sur le risque inhérent au changement du contexte réglementaire des hydrocarbures et surtout sur le silence ou la myopie face au processus d'adhésion à l'OMC et ses effets sur les grands équilibres économiques et sociaux du pays. Ces milieux s'agitent sans apporter la preuve de leur appréhension, notamment à l'égard de l'accord d'association. Il s'agit probablement d'un phénomène de recentrage culturel, d'un jeu de recomposition politique ou (et) d'une anticipation rationnelle d'une possible raréfaction de la rente pétrolière. Le phénomène de recentrage culturel par rapport à des projets de réforme sociétale (code de la famille, gouvernance, constitution) est une tendance de fond portée par la société civile depuis des décennies. Ces projets sont de nature à hiérarchiser les préférences sociétales et asseoir un rapport de droit (et non un rapport de force à géométrie variable) aussi lisible que durable dans le jeu d'acteurs. La condition féminine, la pérennité constitutionnelle et le mode de gouvernance de l'économie et la cité constituent un champ de bataille, dont les enjeux sont coûteux pour le pays. La rivalité inhérente à ce jeu sociétal prend souvent la forme de conflits ouverts, où des forces sociales et politiques s'affrontent sur des choix stratégiques par groupes sociaux et (ou) culturels interposés. Les alliances sont circonstancielles et interchangeables au gré des intérêts rentiers ou politiques des protagonistes. Le jeu de recomposition politique (alliance, alternance, réconciliation) à la veille de certaines échéances électorales rend les préférences des acteurs plus virtuelles. Les alliances électorales ne fédèrent pas un projet économique et social. L'alternance met en compétition le leadership et non le projet. La primauté est à la réconciliation civile et non à la promotion citoyenne. La recomposition de l'échiquier politique vacille dans une ambiance, dont le distinctif est la neutralité et l'absence de préférence (adhésion, opposition) pour un projet, un projet de gouvernance et de puissance. Une ambiance de ventre creux et de sang culotte. L'anticipation rationnelle d'une possible raréfaction de la rente pétrolière est amplifiée par le nouveau mode de sa redistribution inhérent à la mise en œuvre de la nouvelle loi sur les hydrocarbures, dans une économie de moins en moins rentière, malgré le niveau satisfaisant du prix du pétrole. Cet enjeu, que les acteurs ne mesurent pas encore ses effets sur l'économie du pays, est susceptible de soustraire tout un panel social des avantages acquis (rente, excédent organisationnel, abus de position) par un jeu de transfert de pouvoir lié à la captation de la rente pétrolière, de la compagnie Sonatrach à l'agence Anaft. Il sera analysé dans une troisième partie de cette contribution sur les enjeux et préférences face à la convergence économique et à la globalisation des marchés. Le scepticisme d'une partie de l'échiquier algérien à l'égard de ce dispositif partenarial avec l'Union européenne (convergence, réciprocité, partage) est plutôt politique qu'économique. Il révèle une tentation de recentrage et de recomposition que seul un mode de gouvernance démocratique est en mesure d'arbitrer. Par contre, l'euphorie de ceux qui soutiennent que les enjeux économiques du pays seront résorbés dès l'entrée en vigueur de la loi sur les hydrocarbures et de l'accord d'association et que l'Algérie connaîtra la prostérité sociale et la croissance économique font de la conjecture et leur préférence révèle une forme d'ambivalence propre à l'échiquier politique du pays. Ces milieux sont loin de la réalité en termes de positionnement commercial et stratégique de l'Algérie sur l'échiquier international. Ils sont dans l'illusion du succès, pour ne pas dire dans l'incapacité d'anticiper les effets économiques et stratégiques de ce dispositif contractuel et de son mode de régulation. Les effets de l'accord d'association accompagneront ceux insufflés par la nouvelle loi sur les hydrocarbures, la «constitution économique» du pays. De ce fait, les rapports de production et de redistribution de la rente et de la valeur ajoutée en Algérie sont appelés à se modifier et des légitimes batailles autour de son partage à s'amplifier. Les préférences de l'échiquier politique doivent favoriser le consensus dans un long processus d'apprentissage qui exigera nécessairement un coût inévitable pour l'économie algérienne, des sacrifices à court terme tant sur le plan de l'emploi que sur celui des nouvelles conditions de redistribution du revenu national. Dans cette configuration institutionnelle, contractuelle et réglementaire, le filet social et les mécanismes de compensation doivent être repensés. Partenariat et compétition L'adhésion de l'Algérie à l'OMC est un processus de compétition inéluctable qui prolonge celui du dispositif d'ajustement structurel entrepris sous l'autorité des institutions internationales, dont les effets économiques et sociaux sont connus. L'Algérie a certes retrouvé ses équilibres macroéconomiques, mais le problème de l'emploi demeure entier. Ni le filet social ni les facilités financières n'ont permis de retrouver le plein emploi, au sens keynésien ou libéral. Certes, l'économie algérienne a redémarré et les taux de croissance sont satisfaisants, mais l'Algérie doit espérer un meilleur positionnement économique sur le plan international. Les négociations dans le cadre de l'OMC sont âpres et exigent la mobilisation de toutes les compétences pour protéger les secteurs les plus dynamiques, les emplois chèrement payés et les équilibres économiques et sociaux patiemment rétablis. L'illusion du succès n'est pas un mode de négociation de l'adhésion à l'OMC. Il faut plutôt méditer sur le processus d'adhésion des concurrents de l'Algérie et sur ses propres préférences en termes d'éligibilité de ses secteurs à ouvrir à la concurrence internationale, de pertinence, du timing d'adhésion et de crédibilité stratégique de l'économie du pays. Une économie monoproduit à l'exportation et multiproduits à l'importation ne pourrait résister à la globalisation des marchés qu'au prix d'une vision antithétique inversant les préférences. Les secteurs les plus dynamiques du pays sont d'abord ceux de l'agroalimentaire et des services. Certains sont même émergents, mais leur contribution au produit intérieur brut reste marginale, en comparaison avec celle du secteur de l'énergie qui participe à 67% au PIB. Le commerce international du pays demeure tributaire des exportations énergétiques et des importations des biens et des services de haute valeur ajoutée. Le dynamisme de l'agroalimentaire, des télécommunications, de la pharmacie ou de certains services d'intérêt général, est relativement plus faible en termes de création de valeur ajoutée, mais plus riche en emploi. Ces secteurs méritent une attention particulière parce qu'ils ne résisteront pas à la suppression des barrières tarifaires et à la globalisation des marchés. L'investissement direct algérien ou international en soutien à ces secteurs prioritaires est la meilleure opportunité pour les protéger des effets de la concurrence internationale. Plus d'investissement pour ce panel émergent et moins de subvention pour les secteurs extravertis, parce que le premier mode génère la croissance et la prospérité, le second induit la rente de situation et l'inefficacité. Par contre, l'accord d'association est un partenariat fondé sur la réciprocité commerciale et l'égalité de traitement. Il est plutôt pensé comme un mode de convergence économique : les préférences des uns s'ajoutent à celles des autres. Les choix économiques et industriels de l'Algérie et de l'UE doivent converger, et chacun doit tirer profit de sa propre contribution. C'est la somme des contributions et non la logique qu'impose la dynamique de l'OMC, dont la règle normative est définie et le pays candidat doit la respecter. C'est un processus de conformité commerciale, où les acteurs ne pourront tirer profit que de l'avantage économique que confère la règle, celle de la concurrence et du libre-échange : une spécialisation sectorielle et un écrémage commercial à la fin du processus. L'accord d'association est un dispositif durement négocié, dont les effets sont déjà connus en Egypte, en Tunisie, au Maroc et ailleurs. Certains de ces pays ont même accepté le volet proprement politique lié au mode de gouvernance de l'économie et de la cité. Il ne faut pas confondre l'accord d'association et le processus de l'OMC ou encore les politiques d'ajustement structurel. L'association est un partenariat de partage des coûts et des risques, mais l'adhésion exige compétition et conformité. (A suivre)