Darcie Fontaine prépare une thèse d'Etat sur un thème plus global et devant toucher à cet aspect (l'engagement) de l'histoire contemporaine de la chrétienneté depuis la fin de la Seconde Guerre mondiale. La rencontre a eu lieu au CDES (Centre de documentation économique et sociale) dont l'église mitoyenne a été tenue pendant des années par Alfred Berenger, qui est aussi connu pour ses positions en faveur des Algériens sous l'initiative du Centre d'études maghrébines CEMA à Oran. C'est donc pour cela, et c'est tout l'intérêt de son étude, qu'elle a essayé de replacer les faits et les prises de position des acteurs pris en compte ici (tels que André Mandouze, André Gallice, Pierre Chaulet, Jacques Chevallier, Mgr Duval, pour ne citer que les plus en vue et en tenant compte de la diversité, des degrés d'engagement et des motivations de chacun) dans un contexte politique et religieux plus large que la guerre d'indépendance elle-même, en avançant, même si cela reste souvent sous forme de questionnements, le contexte de la guerre froide, des mouvements de décolonisation et de la crise religieuse des années 1950. Après le constat du manque selon elle d'ouvrages analytiques, le souci de Darcie Fontaine a été d'abord de tenter de découvrir les liens qui ont pu se former, ou du moins la justification du passage entre la foi chrétienne et l'action politique. Elle devait ensuite décortiquer les origines de la « collusion » (le terme qu'elle a choisi) entre cette minorité de chrétiens et les nationalistes algériens dont des personnalités citées dans sa communication, telles que Bachir Hadj Ali du PCA et Abane, Ouamrane et Benyoucef Benkhedda pour le FLN. Son point de départ a été le procès intenté le 22 juillet 1957 contre 32 personnes (entre chrétiens et musulmans) accusées de soutien au FLN et qui a eu un large écho dans la presse locale (souvent hostile) et métropolitaine qui a mis en avant les qualificatifs de libéraux (La Croix) et progressistes (Le Monde). « Qui sont-ils et d'où vient leur engagement pour la guerre d'indépendance, allant ainsi à l'encontre de la position de la majorité de leurs coreligionnaires pieds-noirs, souvent favorables à l'idée de l'Algérie française de l'époque et qui les accusent d'être des traîtres et de menacer la sécurité de l'Etat ? », s'interroge la conférencière qui avance deux thèses complémentaires. D'abord la formation d'origine, à l'exemple de J. C. Barthez de la Mission de France qui est issu de la jeunesse ouvrière. Justement, à l'idée considérant sous forme de reproche les prêtres ouvriers comme des compagnons de route du communisme, elle oppose le fait que la motivation de ces derniers était, à l'origine, de « faire parvenir la parole de Dieu dans les milieux défavorisés ». La deuxième thèse concerne le rôle joué par les centres sociaux (Germaine Tillion en a elle-même ouvert plusieurs mais cette anthropologue au parcours différent n'est pas concernée par cette étude, contrairement à Chafika Meslem, citée plusieurs fois pour son rôle d'agent de liaison, ndlr) dont les membres issus de la communauté chrétienne ou musulmane étaient soupçonnés de liaison avec le FLN, d'où les attentats ciblés de l'OAS plus tard. Pour elle, ceux qui ont eu à travailler dans ces centres ont été très vite sensibilisés à la situation des populations autochtones, interpellés par leur conscience chrétienne justement. Dans le débat, un intervenant a relevé à juste titre le rôle joué par les nationalistes algériens pour attirer vers leur cause cette frange de la société de l'époque. Quoi qu'il en soit, entre le souci de se conformer à ce que dicte la conscience religieuse, le soutien né des liens d'amitié qui ont fini par se tisser entre les communautés ou l'engagement au sens politique pour défendre une cause, les frontières ne sont jamais bien distinctes, conclut la chercheuse américaine, mais c'est là le propre de tous les groupes d'hommes impliqués dans les grands bouleversements. Mais au sujet de l'engagement chrétien, le meilleur exemple reste peut-être celui d'Amérique latine.