On débarque à Ouaga comme l'Ingénu de Voltaire, plein d'espoir, la main tendue, serein et disposé à tout voir. Mais, très vite, on découvre que les organisateurs du Fespaco ont encore quelques efforts à faire question efficacité et accueil. Une certaine torpeur régnait chaque matin (sans doute à cause de la chaleur intense) au ciné Burkina où les journalistes étaient autorisés à voir le programme quand par miracle les bobines étaient disponibles. L'autre matin, c'était au tour d'un film marocain particulièrement insupportable Win Machi Ya Moshi(Où vas-tu Moshi ?) de Hassen Benjelloun. Sans la moindre subtilité, l'histoire essaye de nous faire pleurer sur le sort de juifs marocains qui quittent Essaouira.Pour aller où ? C'est ce que le cinéaste marocain oublie de dire où, s'il est naïf à ce point, ne cherche pas plus loin le motif de leur départ en Israël où certains d'entre eux sont allés grossir le contingent raciste du parti fanatique Likoud. Mal filmé et très mal joué, à l'extrême de la nullité et de l'ambiguité, ce film marocain déshonore le Fespaco car aucun festival respectable n'aurait l'aplomb de nous montrer ça après ce qui s'est passé à Ghaza ! Aucun faux pas heureusement avec les films algériens « Mascarade », « La Maison jaune », « La Chine est encore loin ». Tunisiens non plus d'ailleurs. A ranger d'ailleurs dans le meilleur cinéma montré à Ouagadougou. Au milieu d'un grand tam-tam de superlatifs pour vanter les « grands mérites » du Burkina dans la « défense du cinéma africain » (pourvu que le Panaf d'Alger se déroule plus dignement et plus modestement, sans esbroufe...), il y avait beaucoup de palabres et moins de films africains vraiment inédits. A Ouaga, on recherchait les talents, et on était heureux d'en dénicher un ou deux seulement. Le Fespaco, sans doute conscient du déficit, est allé cette fois chercher des films en Espagne, au Brésil, en France. Pour la plupart d'ailleurs assez insipides, à peine dignes de figurer sur une chaine TV commerciale médiocre, comme il y en a tant partout. De profundis d'un cinéma venu d'ailleurs.L'idée de ressortir les anciens films qui ont gagné le grand prix (la rétrospective des Etalons) était la seule bonne idée de cette édition. Quelle joie de revoir Le Wazzou Polygame (Oumarou Ganda) ou Finye (Souleimane Cissé). Et quelle émotion aussi devant Histoire d'une Rencontre qui, comme Les Enfants du Vent, constitue une œuvre-maîtresse du cinéma d'auteur algérien signé Brahim Tsaki. Le film n'accuse aucune ride. C'est une œuvre originale, bourrée de trouvailles cinématographiques. Bref, Tsaki encore une fois a dominé l'ensemble des programmes du Fespaco avec ce film vieux de plusieurs années. Un travail profond qui interpelle la réflexion du spectateur et qu'on n'oublie pas en sortant de la salle. Très réservé, très modeste, c'est aussi le cinéaste algérien qui procure le plus d'émotion et de joie. Formé dans la prestigieuse école bruxelloise Insas, il présente le paradoxe d'être le cinéaste algérien le plus imaginatif, le plus créatif et pourtant il n'a tourné que peu de films. Cette situation s'explique par sa haute exigence personnelle. Mais il n'est pas seul, lui qu'on peut vraiment qualifier de météore dans cette profession. C'est aussi l'ensemble de ses collègues cinéastes algériens qui ont subi l'effondrement de la production dans notre pays. Comme tout le monde, Tsaki s'était engouffré dans la brèche quand l'Etat algérien était derrière une production abondante et de qualité. Par la suite, le cinéma algérien a pris d'autres chemins. Le jeu financier a complètement changé. Où trouver la solution pour faire des films dans le système économique libéral où tous les organismes d'Etat ont été détruits ? Il y aujourd'hui beaucoup d'intermédiaires, de prestataires de service à compétence variable. Pas le genre à susciter l'intérêt d'un artiste comme Tsaki. Mais la flamme de la création l'habite toujours très fort, voir son dernier opus tourné au désert, « Ayriwen ». En tout cas, ce digne hommage à Ouaga restera comme le meilleur moment du Fespaco 2009.