Comme il fallait s'y attendre, le rapport de lord Butler sur les circonstances dans lesquelles la Grande-Bretagne a pris la décision de se joindre à la coalition et de partir en guerre contre Saddam, dont quelques bribes ont été rendues publiques hier, a innocenté le Premier ministre Tony Blair. Le rapport a estimé que le Premier ministre britannique a agi sur la base des informations communiquées par les services de renseignements britanniques accréditant la thèse selon laquelle Saddam avait les capacités de déployer des armes de destruction massive en 45 minutes. Les conclusions du rapport Butler rappellent étrangement les résultats du rapport du Sénat américain sur le même sujet épinglant dans un verdict sans appel la centrale américaine de renseignements - la CIA - pour avoir fait consciemment ou non une appréciation erronée du potentiel militaire irakien. Acculés dans leurs derniers retranchements suite à leur incapacité à apporter la moindre preuve sur l'existence des armes de destruction massive plus d'une année après l'occupation de l'Irak, il fallait pour Bush et Blair trouver des boucs émissaires tout désignés pour sauver leur tête et affronter la colère de plus en plus grandissante de leurs opinions publiques qui leur demandent des comptes sur l'engagement de leur pays dans cette guerre. Une guerre qui est en train de révéler peu à peu des secrets sur lesquels Américains et Britanniques croyaient ne jamais devoir être interpellés eu égard à la noblesse de la cause qu'ils prétendaient défendre : libérer l'Irak de la dictature et le monde d'un danger nucléaire potentiel. Est-il besoin de rappeler que dans le système politique américain, les services de renseignements sont placés sous la responsabilité directe de la Maison-Blanche, donc du président Bush ? Il est par conséquent difficile de croire que dans le dossier de l'Irak le président Bush ait pu, de bonne foi, être mené en bateau par la CIA. Il n'était pas simple spectateur, mais joueur dans la partie de poker qui s'était jouée en Irak. Par sa fonction, il ne pouvait pas raisonnablement venir aujourd'hui et dire avec une légèreté qui tranche avec la gravité du moment : « Je ne savais pas ! » La responsabilité de l'engagement militaire en Irak de la coalition ne commence pas et ne s'arrête pas aux seuils des deux centrales de renseignement auxquelles on veut manifestement faire porter le chapeau pour des raisons bien comprises.