Ils sont nombreux, même très nombreux, à vouloir aujourd'hui revenir occuper la scène socioéducative ! Qui sont-ils ? Eh bien, ce sont d'anciens scouts, des vétérans comme on dit, ayant pour la plupart soixante ans et plus. Non pas qu'ils éprouvent de la nostalgie pour leur jeune âge. Le motif d'un retour à un autre temps révolu pour ces sexagénaires serait dicté par un état des choses, délétère, qu'ils jugent difficilement supportable sur le plan social. Pour rester sur une sémantique usitée de nos jours, il s'agirait en quelque sorte d'un mouvement de redressement social sans esclandre, version boys scouts ! Un challenge qui semble tout de même, avouons-le, hors de portée dans un monde où les générations sont pratiquement toutes branchées quelque part ! Néanmoins, ils ne manquent pas de pointer du doigt le scoutisme actuel, trop indolent à leurs yeux, pour expliquer en partie le dérèglement social et la perte du sentiment de fierté nationale. Leur objectif est simple, en ce sens qu'au lieu de rester dans l'expectative d'un improbable relèvement moral, ils investiront le moindre espace vide pour faire redorer son blason au scoutisme de province en participant à nouveau à la vie associative. Conscients de la difficulté, ils gagent cependant qu'ils mèneront à bien tout ou partie de leur projet en misant sur leur génie de scouts au sens étymologique du terme. Ainsi, vont-ils pour cela promouvoir un discours de proximité en vue de perpétuer les vertus du scoutisme et à la fois faire du prosélytisme. Loin de mettre un quelconque bémol à cette noble idée, du moins à sa généralisation, réinstaurer ces mœurs parait en l'état actuel des choses relever des travaux d'Hercule : une situation marquée par un chômage croissant, une déperdition scolaire inquiétante, une paupérisation qui frappe de plein fouet, un taux de divorce ahurissant et l'avènement récent du phénomène des boat people (harraga) ! Toutefois, il serait absurde de ne pas reconnaître à cette discipline ses caractéristiques décentes, de pudeur, de probité et de courage. A Djelfa, le scoutisme est apparu en 1939 grâce à deux figures emblématiques, Boussaïd et Zenati, aujourd'hui décédées. En fait, le déclic a eu lieu à Paul-Cazelles, actuellement Aïn Oussara. En 1938, Boussaïd fit la rencontre d'un scout de France à sa descente du train (eh oui, en cette lointaine époque, le train existait déjà contrairement à aujourd'hui, 70 ans plus tard !). En apparence, une rencontre des plus ordinaires mais qui se révéla féconde par la suite. Affichant une candeur juvénile, le scout sollicite de Boussaïd un prêt de 20 francs ! En guise de garantie, il lui fait sa promesse de les lui rendre aussitôt rentré chez lui en France ! Cette promesse qui était celle d'un « scout » continue à ce jour à Djelfa d'être citée comme un exemple démonstratif d'intégrité morale, car la somme due fut ensuite recouvrée en bonne et due forme par le prêteur ! Désormais, s'est dit Boussaïd, le concept de l'intégrité ne doit plus rester l'apanage du Français et, de concert avec son ami Zenati, il fonda la première troupe scoute pour enseigner les bienfaits de cette discipline. Aujourd'hui, cette « élite » qui se propose d'assainir l'environnement social, saura-t-elle gagner son pari dans une société qui conserve encore les stigmates causés par une multitude de séismes nationaux, social, économique et politique ? Si le cœur et l'abnégation y sont sans nul doute, il restera à ce groupe de « retraités » du scoutisme, de s'organiser pédagogiquement. Car il s'agit, en somme, de définir préalablement une thérapie sociale afin de calmer en premier lieu la souffrance humaine ! Un cas qui relève en profondeur d'une problématique d'ensemble pour laquelle nos gouvernants s'ingénient depuis des lustres à chercher des solutions, en vain !